lundi 13 juillet 2020

Rubrique Ciné #3 : Les Indestrucibles et parfois un sale message

Au commencement était le troll. Et puis je me suis rendu compte que c’était pas tant une blague que ça. Je m’explique : j’ai pitché cet article … début 2018 je dirais. Et c’était une blague que j’avais pensé sortir pour un article de 1er avril en 2019 comme l’avait été mon précédent du genre. Sauf qu’à l’époque je pataugeais dans pas mal d’histoires personnelles, plus d’autres articles qui ont eu la priorité, notamment le dossier sur Hellblazer qui a demandé beaucoup de temps et de recherches en amont, sans parler du traitement de l’info et de la relecture. Notez que c’est pas grave parce que j’en suis ultra fier et qu’il méritait le temps que je lui ai consacré pour le résultat qu’il a donné. Je me suis donc dit que j’allais faire ça pour le premier avril 2021 du coup. Et puis le confinement a eu lieu donc j’ai eu le temps de cogiter sur un paquet de trucs. Entre autres comment j’écrivais divers papiers, sur mon inaptitude à finir mes nouvelles, sur pourquoi le mythe Arthurien me fascine, sur la façon que j’ai de faire les 100 pas dès qu’un appel téléphonique dure plus de 10 minutes et … sur le fait que cet article qui était censé être une blague n’en était pas vraiment un. Ho bien sur j’aurais pu le jouer sur le ton de la vanne et le sortir en 2021 pour le 1er avril. Mais plus j’y réfléchissais et moins j’en avais envie. Donc je vais parler de ça au premier degré, des fois on n’a juste pas envie de rire. Donc on va parler des Indestructibles et des possibilités de sales messages dans une œuvre, intentionnels ou non.

Histoire de contextualiser un truc ou deux, je me dois de faire un disclaimer et parler un peu de moi. J’ai été militant handicap pendant un certain nombre d’années, ai été dans le bureau d’une association d’autistes et j’ai une RQTH personnelle. Donc c’est pas impossible que ma vie personnelle impacte ma vision de l’œuvre. Ayez ça en tête avant de dégainer les calibres et autres barres à mines. Merci bien. Et j’aime beaucoup ce film, je ne suis pas en croisade ou je ne sais quelle mission que certains voudront peut-être me prêter. Merci bien²

Les Indestructibles donc … Sorti en 2004, produit par Pixar, écrit et réalisé par Brad Bird (qui sera plus tard aux manettes du très jubilatoire Mission Impossible 4, il y a une claire parenté entre les deux). Qu’est-ce que ça raconte ? Grossièrement l’histoire de Mr. Indestructible et sa petite famille, forcés par la réaction du public à vivre une vie d’américains banlieusards moyens, privés de la possibilité d’être héroïque et se tapant une crise de la quarantaine jusqu’au moment où un mystérieux individu le fait sortir de sa retraite. Lequel s’avère être un ancien fan tordu, Syndrome, qui a fomenté un plan pour faire de lui (le fan hein, pas Mr. Indestructible) un nouveau super-héros aux yeux du public. Naturellement le reste de la famille s’en mêle, super-pouvoirs, scènes mémorables, bonne écriture, musique superbe et fin avec famille unie et à nouveau les supers héros accueillis à bras ouverts. Honnêtement j’adore ce film. Mais. Il faut parler du message du film. Enfin selon les gens avec qui je parle il y en a plusieurs. Selon mon meilleur ami c’est un film sur l’importance de l’union d’une famille et il faut le regarder comme un film de spy-fy et non de super héros (quand je parlais de Mission Impossible hein …). Et il n’a pas tout à fait tort, mais ce n’est pas la mienne et vu qu’on est sur mon blog bah … Pour moi le film parle avant tout d’être soi-même. Une grande partie du film repose sur le fait que les supers ont une vie normale et donc de merde parce qu’ils ne peuvent être qui ils sont réellement, avec pouvoirs et héroïsme, contraints à une vie de gens ordinaires. Et clairement tous les personnages trouvent un épanouissement personnel dès que le fait qu’ils acceptent des héros. Que ce soit Mr. Indestructible qui est montré comme plus heureux, en meilleur état physique et un meilleur père, Violette qui gagne en confiance, Flèche en maturité et ainsi de suite. Et c’est un bon message en tant que tel. Après tout c’est important de ne pas avoir à travestir qui on est pour autrui et l’acceptation de soi est importante. On ne peut pas ignorer la souffrance de bon nombre d’individus LGBTQI+ forcés de se cacher par exemple. Je suis ok avec ce message. Mon problème c’est la façon dont il est matérialisé dans les faits et son “revers” si je puis dire. Je préviens ceux qui sont en retard de 16 ans : je vais spoiler comme un crasseux.

Le problème donc … Vous le croirez si je vous dis qu’on se retrouve avec un message au carrefour entre le déterminisme, le validisme voir l’eugénisme ? Ouais je sais, ça sonne gros dit comme ça. Et pourtant j’ai eu ce sentiment bizarre dès la première fois que j’ai vu ce film. Ce qui remonte facilement à plus de quinze ans. Je l’ai déjà dit, étant handicapé moi-même, j’ai toujours prêté attention à tout ce qui parle de différences entre les individus et de l’écart de naissance. Le film Stuart Little m’a fait chialer comme une madeleine quand je l’ai vu petit et que je me suis identifié à mort au personnage titre. Montrez Stuart Little à vos gosses si vous en avez d’ailleurs. Ce qui me tue encore aujourd’hui c’est que c’est réalisé par M. Night Shyamalan … Qu’est-ce que vient faire Les Indestructibles là-dedans ? Hé bien le fait est qu’à la fin de la séance, je n’ai pas pu m’empêcher de penser que les demandes du bad guy étaient, à leur base tout du moins, plutôt légitimes. A la base, je le précise, je reviendrai aussi sur le point-là. La raison qui pousse Syndrome a devenir un méchant est le fait qu’il est rejeté par Mr. Indestructible au début du film alors qu’il voudrait devenir son sidekick. Recevant la chose comme un affront par rapport à sa normalité il se tourne vers l’invention et devient l’équivalent dans ce monde d’un super vilain. Son plan étant de passer pour un super héros puis plus tard de vendre ses inventions pour que “tout le monde soit super”. Alors par contre, en faisant des recherches sur les diverses opinions qu’avaient les gens sur ce film, j’ai trouvé un paquet de machins claqués par terre donc je vais prendre le temps de les balayer là. Je ne vais pas vous expliquer que Syndrome est le vrai héros et que Mr. Indestructible est un bigot de l’avoir repoussé parce que ça n’est pas le cas. Syndrome est un gosse inconséquent et narcissique et qui n’avait rien à foutre là en plein milieu d’une scène de crime alors qu’il est même pas majeur. De même je ne crois franchement pas que le film soit une illustration des théories de Ayn Rand (pour ceux qui ne connaissent pas : une vieille bique auteure/philosophe des années 50, mère de l’objectivisme, qui est une philosophie visant à exalter l’individu au-delà de tout sans aide aucune. Une sorte de mélange foireux entre du libéralisme et du proto-Nietzsche si tout du moins j’ai compris ce que j’ai lu dessus, c’est fort nébuleux cette merde). Ou même du Nietzsche tout court sur la mentalité de la foule ou je ne sais plus quel nom exact porte la vision de ce syphilitique allemand barjot. J’admettrais une possible parenté avec Watchmen dans le propos même si chacun opère une déconstruction du genre de super héros d’une façon très différente. Et maintenant que c’est fait, je vais passer à mon propos à moi.


Comme je le disais avant, le film essaye de dire qu’il faut être soi-même avant tout et de ne pas s’enfermer dans une place qui n’est pas la nôtre et pour laquelle on n’est pas fait. Sauf … que ce sont des super héros qui prêchent la chose. Ils sont super bordel ! Évidemment que c’est cool d’être plus rapide, plus fort et ainsi de suite que la normale ! Et le fait de placer le déclencheur initial du méchant dans la volonté d’accéder à ce statut justement créé un sérieux problème pour moi. Je parlais d’eugénisme et de validisme parce qu’au final le propos est qu’il faut être “bien né” pour arriver à faire des choses. Ici on parle de super pouvoirs explicites mais on peut sans trop de difficultés étendre le propos à “tout”. Surtout que si on y regarde bien Syndrome n’est pas non plus tout à fait ordinaire. En tout cas je connais peu de gens ordinaires qui arrivent à créer des robots géants, des rayons Zéro-G et des drones miniatures. Présentez-moi vos amis si c’est votre cas. Mais il semblerait que l’esprit ne compte pas. Seuls les supers prouesses qui défient les lois de la nature comptent. Et c’est là qu’est le déterminisme puisque le fait que Syndrome parle de rendre tout le monde super quand il le décidera. Ce qui est présenté comme l’équivalent d’un acte d’hubris. Dans l’univers des Indestructibles nul ne doit sortir de la place qui lui a été donné semble-t-il. Et vraiment, je comprends pas comment ils ont fait pour ne pas voir cet aspect-là de la chose. Sérieusement, tout au long du film les gens “ordinaires” sont en dessous des supers et sont présentés pour la plupart comme faibles, inefficaces ou mauvais. Que ce soit le patron de Mr. Indestructible qui est un requin des assurances, les flics et l’armée inefficaces dès qu’ils apparaissent, les professeurs de Flèche qu’il tourne en ridicule et n’est jamais puni pour ça au final. A chaque fois il leur faut un Fort sur lequel s’appuyer ou s’incliner. Ça me tue vraiment. Il aurait simplement suffi de montrer des gens ordinaires réussir à faire des choses sans besoin des supers, ou même mettre un super qui tenait ses pouvoirs du fait de la technologie et toute cette partie du message qui peut être reçue de façon très nauséabonde. Ce qu’ils n’ont pas fait. Et ça me rend triste parce que j’aime vraiment beaucoup ce film. Même encore maintenant avec cette lecture là en tête. Et je n’ai pas vu le deuxième opus. J’étais parti en voyage quand il est sorti si ma mémoire est bonne. Je crois que je m’entrainais avec des moines de Shaolin, mais je ne suis pas sûr du tout. Ou alors je prenais des canards en photo au bord d’un lac de montagne. Je ne sais plus. Quoiqu’il en soit, peut être que le 2 nuance ce que j’ai pu dire et rattrape le message. Je l’ignore. Je ne désire pas le voir. Pour une raison qui n’a aucun rapport : le doubleur de Mr. Indestructible dans le premier, c’était Marc Alfos, lequel faisait également la voix de Russel Crow et d’énormément de perso de jeux vidéos. Il nous a quitté en 2012. J’avais un tel affect à sa voix que je savais que le film ne serait pas le même sans lui au doublage. Donc je ne l’ai jamais regardé par raisons sentimentales.

Et c’est sur cette note sans trop de rapport que je conclus ce que je pense des Indestructibles. C’est une suranalyse comme il y en a plein sur le net. Mais vu que c’est mon blog et mon opinion, c’est celle-là que je publie et je fais ce que je veux.

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