J'inaugure ici une nouvelle section : le lundi de la fiction. Comme son nom l'indique j'y publierai (et Até aussi s'il en a envie) diverses œuvres personnelles de fiction. Sur un thème donné ou non. Écrites pour l'occasion ou non. Sur des univers connus ou non. Retenez que c'est de la fiction et que c'est fait maison si vous avez la flemme de vous creuser la tête.
Une journée de merde, un taff de merde, des clients de merde pensa Rudy en polissant du bout de son chiffon une chope de bière qu’il venait de rincer à l’eau. Quand il avait acheté ce bar avec l’argent de l’assurance vie de son père, mort d’un accident de voiture, il espérait secrètement avoir touché le gros lot. Il y avait deux usines à proximité, un parking à deux pas et il avait réussi à récupérer quelques vieilles bornes d’arcades d’une salle de retro-jeux qui avait fermé à Los Angeles. Stratégiquement il était bien placé et bien équipé. Sauf que les ouvriers du coin n’avaient qu’un désir une fois le travail fini : rentrer chez eux pour ne pas se faire braquer par les mecs de gang locaux, que le parking servait surtout à organiser des deals de drogues ou des fêtes improvisées rythmées tant par des beat de hip-hop que par les rafales de MP5, et les bornes d’arcades … la plupart étaient couvertes d’une couche de poussière épaisse d’un centimètre au moins. Quand il avait compris tout ça il était trop tard pour quitter San Bernardino, il était coincé ici avec une affaire qui marchait au ralenti, une clientèle limitée et pas franchement souhaitable et un prêt à rembourser pour au moins dix ans. Une journée de merde, un taff de merde, des clients de merde, c’était devenu son mantra. Surtout depuis que les divers gangs du coin avaient voulu une part du gâteau, d’abord juste pour voir si quelqu’un du crew d’en face ne se planquait pas dans les toilettes, puis par curiosité en voyant qu’il restait ouvert jusque tard. Puis, finalement, pour le racketter, en y repensant ça le faisait sourire qu’ils aient pris autant de temps à venir. Il avait cédé face aux Verdagos locaux, sans doute parce que l’immense troll venu collecter “les généreux dons” avait des bras trois fois comme sa tête et une batte de baseball faite sur mesure pour ses 2m50. Depuis il crachait au bassinet tous les mois une partie du peu qu’il gagnait, bien malgré lui. Mais ce soir ça allait changer !
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Une journée de merde, un taff de merde, des clients de merde pensa Rudy en polissant du bout de son chiffon une chope de bière qu’il venait de rincer à l’eau. Quand il avait acheté ce bar avec l’argent de l’assurance vie de son père, mort d’un accident de voiture, il espérait secrètement avoir touché le gros lot. Il y avait deux usines à proximité, un parking à deux pas et il avait réussi à récupérer quelques vieilles bornes d’arcades d’une salle de retro-jeux qui avait fermé à Los Angeles. Stratégiquement il était bien placé et bien équipé. Sauf que les ouvriers du coin n’avaient qu’un désir une fois le travail fini : rentrer chez eux pour ne pas se faire braquer par les mecs de gang locaux, que le parking servait surtout à organiser des deals de drogues ou des fêtes improvisées rythmées tant par des beat de hip-hop que par les rafales de MP5, et les bornes d’arcades … la plupart étaient couvertes d’une couche de poussière épaisse d’un centimètre au moins. Quand il avait compris tout ça il était trop tard pour quitter San Bernardino, il était coincé ici avec une affaire qui marchait au ralenti, une clientèle limitée et pas franchement souhaitable et un prêt à rembourser pour au moins dix ans. Une journée de merde, un taff de merde, des clients de merde, c’était devenu son mantra. Surtout depuis que les divers gangs du coin avaient voulu une part du gâteau, d’abord juste pour voir si quelqu’un du crew d’en face ne se planquait pas dans les toilettes, puis par curiosité en voyant qu’il restait ouvert jusque tard. Puis, finalement, pour le racketter, en y repensant ça le faisait sourire qu’ils aient pris autant de temps à venir. Il avait cédé face aux Verdagos locaux, sans doute parce que l’immense troll venu collecter “les généreux dons” avait des bras trois fois comme sa tête et une batte de baseball faite sur mesure pour ses 2m50. Depuis il crachait au bassinet tous les mois une partie du peu qu’il gagnait, bien malgré lui. Mais ce soir ça allait changer !
A force de casquer régulièrement et sans, trop, faire
d’histoires les gangers s’étaient mis à parler librement dans son
établissement. Et s’ils se croyaient protégés par le fait de parler espagnol
devant lui, ils se trompaient. Il avait écouté, encore et encore, quand ils
parlaient de fusillades, de deals, de femmes, de tel ou tel membre, de leurs
exploits et de leurs soupçons. Et de leurs ennemis. Et à force de capter tout
ça, il avait trouvé son ticket de sortie. Parmi les clients réguliers il y
avait un humain dans le lot, Esteban. Il avait vite remarqué qu’il parlait
moins que les autres, qu’on riait souvent à ses dépens et qu’il en ressentait
une frustration. Il était venu lui parler un soir, soit disant pour discuter du
prochain “prélèvement”, un sujet qu’il avait facilement fait glisser vers la
frustration de sa condition. Et Esteban avait magnifiquement mordu à l'hameçon.
En un mois il lui avait retourné le cerveau, et maintenant il était mûr. Le
plan était simple : Esteban mettait la main sur des stocks de “marchandise”
tandis que lui tissait des liens en sous-main avec leur gang rival, les Iron
Crosses. Une fois ceci fait, ils procéderaient à un échange avec un
intermédiaire des Cross, au bar. L’argent changerait de main et quand il se
serait fait un bon matelas il ferait ses valises, Esteban pourrait retourner à
son gang les poches pleines d’un certain pourcentage et les Iron Crosses
auraient de la marchandise en plus. Un plan de génie. Il reposa le verre qu’il
venait de nettoyer et jeta un œil en salle. Pas grand monde comme d’habitude,
juste deux clients, assez particulier d’ailleurs. Le premier était un elfe avec
une veste en jean, assis au comptoir sur un tabouret, sur celui à côté de lui
était posé un étui de contrebasse et il regardait fixement le fond de sa bière,
comme pour y chercher une vérité profonde. Le plus marquant étant son crâne à
moitié dégarni qui contrastait avec ses longs cheveux noirs. Drôle de type
pensa Rudy. L’autre client était dans l’annexe, à canarder des pigeons sur la borne
d’arcade avec un pistolet en plastique. Un nain, déjà plus aux couleurs locales
avec son trench-coat, ses rangers, son bandana rouge, son énorme casque audio
sur les oreilles et ses grosses lunettes de soleil. Pas comme l’autre elfe là
avec sa veste en jean frappée de symboles japonais et ses chaussures de
sécurité. Enfin tant qu’il payait sa consommation … Il jura entre ses dents en
entendant la charnière de la fenêtre des toilettes qui couinait, cette
saloperie n’arrêtait pas de rendre l’âme, souvent cassée par des toxicos qui
cherchaient à entrer pour se piquer dans les cabines. Putain de camés … Une
journée de merde, un taff de merde, des clients de merde.
Il regarda sa montre, 23h08, Esteban était censé arriver
dans deux minutes. Et un peu après arriverait son contact chez les Iron
Crosses. Il avait vu son lot de gros durs, plus d’un lui avait braqué une arme
à la figure d’ailleurs dans son bar. Mais Tusk lui glaçait le sang. Pas par sa
taille, Big Juan, le troll à batte était nettement plus impressionnant sur le
plan physique par exemple. Tusk lui … c’était toute sa personne, froide et
monolithique quelle que soit la situation. Il savait qu’il tenait son surnom
des deux cornes de troll qu’il portait attachées au revers de son blouson. les
versions sur le comment de l’acquisition différaient mais la seule certitude
était que leur précédent porteur était mort sous les poings de Tusk. Ce qui,
aussi invraisemblable que cela puisse paraître, rendait la chose encore plus
glaçante. Mais il payait cash et honnêtement d’après toutes les sources qu’il
avait pu obtenir, c’était ça l’important. Le bruit de la porte le tira de ses
réflexions, c’était Esteban, pile à l’heure.
“Salut vieux. dit le jeune latino.
-Salut. Pas eu de problème en route ?
-No problema. J’ai dit que j’allais retrouver une fille à
son appart. Ils ne chercheront pas à me joindre ou quoi et … La phrase mourut
dans sa bouche quand il vit l’elfe sur son tabouret. T’es sûr de ça ?
Rudy jeta un œil au métahumain, il se parlait tout seul,
marmonnant quelque chose en agitant le fond de son verre, ça ressemblait à de
l’arabe, ce que sa peau hâlée tendait à confirmer. Visiblement il était
complètement saoul.
-Ouais. Tranquille. C’est calme ce soir.”
Plus ou moins rassuré, Esteban se détendit et posa son
veston sur une des chaises en salle, la poche droite émettant un bruit
métallique quand elle tapa le bois, preuve qu’il y avait rangé son pistolet.
Ils n’avaient plus qu’à attendre Tusk. De l’arrière salle montait les bruits de
la machine d’arcade, visiblement le nain était toujours en train d’essayer
d’atteindre le dernier high score, en vain semble-t-il. Qu’il y reste, tant
qu’il ne sortait pas son nez de la salle là et les laissaient faire leur
affaire tranquille, ça lui allait très bien. Et puis Tusk passa la porte,
accompagné de cinq gars. Merde, ça ça n’était pas prévu. Il était tel que Rudy
s’en souvenait : chauve, une croix celtique noire tatouée sur la gorge, veston
en cuir avec écusson des Iron Crosses et le brassard rouge des hauts gradés du gang
sur le biceps gauche, les deux fameuses cornes de troll cliquetant en rythme
avec son pas. Mais le pire restait ses deux yeux bruns, ils étaient tellement …
statiques. Comme un poisson mort. Et malgré le ridicule de la comparaison ils
terrifiaient Rudy. Les six gros bras qui étaient avec lui étaient habillés dans
le même style, même si aucun ne dégageait la même menace et le même malaise.
Certains disaient que Tusk était un mage ou quelque chose du genre, mais Rudy
en doutait vu le niveau de tolérance de son gang à tout ce qui n’était pas
humain, blanc et “normal”. Imperturbable, Tusk prit une chaise et s’assit à la
table d’Esteban, posant devant lui une mallette. Rudy sorti de derrière le
comptoir et s'avança la main tendue vers Tusk.
“Bonsoir Tusk. Comment ça va ? La seule réponse de l’Iron
Cross fut un long silence et un regard pesant. Rudy sentit cette même sueur
glaciale dans son dos et se sentit très con d’avoir pensé que le ganger lui
serrerait la main. Esteban a apporté la marchandise.
-Je vois ça. Toujours cette voix, ce ton, Rudy voulait que
cette histoire se finisse vite. Et je vois aussi que tu accueilles un mutant
dans ton établissement. Il pointait l’elfe qui était à présent affalé de tout
son long sur le comptoir, toujours à marmonner en arabe.
-Les clients … sont les clients Tusk, j’ai besoin de rester
à flot.
-A quel prix hein ? Tout le mépris de l’Iron Cross était
perceptible dans sa remarque et, voyant comment ses gars ricanaient, Rudy
redouta un moment qu’ils aillent lyncher l’elfe avant de faire affaire.
Heureusement Esteban lui sauva la mise.
-Bon, on le fait ce deal ou pas ?
-Ma foi. Il poussa la mallette vers le jeune latino.
Cinquante milles nuyens en credstick, intraçables, propres et pas de question.
Ça vient d’un stock de chez Horizons.
-Ça marche, j’ai les infos que tu voulais sur les planques
des Verdagos, contenus, gardes et tout ça.
-Excellent, on va pouvoir …
La conversation fut interrompue par la porte de l’annexe qui
grinçait. Le nain ! Il l’avait oublié celui-là. Et il avait un flingue à la
main !
-Le chauve, sois sympa et envoie la mallette. Au moins il
avait le mérite d’être franc pensa Rudy. Tusk par contre commençait à s’agiter,
son regard bondissait sur chaque personne de la pièce, cherchant pour voir si
ce n’était pas une embrouille de la part de Rudy ou d’Esteban. Pour la première
fois ses yeux semblaient devenir un tant soit peu expressifs. Et c’était encore
pire que lorsqu’ils ne laissaient rien transparaître.
-Et de quel droit tu me demandes ça le mutant ?
-Parce que j’ai un contrat connard. Maintenant envoie le
blé. Et pour appuyer son argument le nain fit un léger geste du canon de son
revolver. Rudy ne reconnaissait pas le modèle, on aurait dit un vieux pistolet
tout droit sorti d’un vieux film du XXème siècle.
Rudy était en train de se demander qu’est-ce qui allait se
passer et si ça allait encore empirer, malheureusement pour lui la loi de
Murphy était à l’écoute. A trois secondes d’intervalles l’elfe qui semblait
être endormi venait de bondir de son siège et avait dégainé un pistolet lui
aussi. Et la porte des toilettes venait de s’ouvrir sur … une ork ! Grande d’un
mètre quatre-vingt-dix, vêtue d’un pantalon de camouflage et d’un veston en
cuir noir, le crâne rasé, elle braquait une paire d’Ares Predator sur la salle.
Elle et l’elfe parlèrent simultanément
-Lequel d’entre vous est Donovan Tates ?/C’est toi la
balance !
Tout le monde cligna des yeux, le temps d’intégrer que la
question venait de l’ork et l’accusation de l’elfe.
-Rudy, si jamais tu veux essayer de me niquer avec ta galerie
de mutants tu vas me le payer. Tusk n’avait pas levé le ton mais les muscles de
son cou, tendus comme des cordages, trahissaient qu’il était plus inquiet qu’il
n’y paraissait.
-Tusk je te jure que …
-Ta gueule ! Ça venait du nain. Envoie le fric !
-Esteban, Emiliano va être très déçu de découvrir que c’est
toi qui les plante dans le dos. L’elfe cette fois-ci.
-Donovan Tates, il peut lever la main ou faut que je bute
tout le monde ?” C’était l’ork cette fois-ci.
Il y eu un moment de silence, on entendait juste le néon au
plafond qui grésillait. Et puis, Rudy s’y attendait, quelqu’un fit quelque
chose de stupide et tout se mit à péter.
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