Je suis pas convaincu que ça soit propre au rap, mais très souvent j’ai le sentiment qu’il y a un rapport de compétition extrêmement présent dès qu’il y a quelqu’un d’invité sur le morceau. Est-ce qu’il y a une raison sociologique à ça ? Est-ce le genre qui le veut ? Bien malin qui pourrait le dire, moi j’ai la grosse flemme de me pencher sur la question. Oui, il m’arrive d’être imparfait. A la base cet article était une sous branche de celui sur les samples de voix, je voulais mettre Uncommon Valor et son fucking couplet du Rugged Man. Mais vu que j’avais déjà utilisé cette carte là j’avais pas envie de faire une redite, j’ai donc fouillé ailleurs et été original. Je suis un professionnel moi.
God Forgive, I don’t c’est un peu la “fin” de la période vraiment massive de Rick Ross. Lancée avec Deeper Than Rap puis Teflon Don qui sont ses albums “classiques” si je puis dire. Une période qui est d’autant plus impressionnante qu’elle est causée par son beef de l’époque avec 50 Cent, et normalement quand on clash Fifty on est mort, ce mec c’est le Sun Tzu du rap game et personne ne l’a jamais réellement couché. Que ce soit Ja Rule, Jadakiss, The Game et je suis sûr que j’en oublie, il a mis tout le monde à genoux, démolissant complètement la scène new yorkaise au passage, ce qui a selon moi pas mal joué sur l'émergence du rap de la Bible Belt début 2000 (Atlanta avec T.I. et Young Jeezy, Memphis avec la Three 6 Mafia ainsi que 8Ball & MJG, Miami avec Rick Ross et Flo Rida, Houston avec UGK, Slim Thug, Z-Ro et DJ Screw et la Nouvelle Orléans avec tous les mecs de Cash Money (dont sort Lil’ Wayne je le rappelle) et Lil’ Boosie en particulier) et du fameux terme dirty south qui ne voulait en vérité pas dire grand chose. Mais revenons au père Rick, parce sinon je vais encore m’égarer plus loin. Si on n’est plus tout à fait au sommet de son moment de gloire, God Forgive, I don’t garde les bonnes recettes et les bonnes idées des deux précédents, à savoir les feat de qualité et les beats produits par J.U.S.T.I.C.E. League ultra soulful, véritable miel à mon oreille. Et c’est ainsi qu’arrive Sixteen, avec en featuring la moitié arty de Outkast, Andre 3000. Si vous ne connaissez pas Outkast, penchez-vous sur la question y’a de la matière à traiter, d’autant plus que j’ai évoqué le rap d’Atlanta plus haut et que ces mecs ont été les pionniers (ils étaient présent en 1995 aux Source Awards, alors que la East Coast et West Coast s’envoyaient des jabs et Andre a choppé le micro pour lâcher un prophétique “South has something to say”). Les deux se partagent un morceau sur la galère que c’est d’écrire en seize mesures la complexité de la vie ou d’une idée. Ce qui, faut l’admettre, est un thème plutôt cool, faut dire ce qui est, ça parle à peine de voitures et de bitches, pour du Rick Ross c’est quasi anormal. Mais l’apothéose arrive avec l’amigo Andre. Que ce soit sur les modulations du flow, dans son débit et son écriture. Je vous recommande de lire ça tout simplement, y’a tellement de jeux de mots et de métaphores que je ne saurais vous les résumer ici. Et je pense que ce couplet l’emporte largos sur l’ensemble du morceau.
1996, Mobb Deep marche sur l’eau, New York et Los Angeles se mettent sur la gueule, 2Pac vient de canner et Biggie s’apprête à suivre mais on ne le sait pas encore. Et au sein de ça la bombe Hell On Earth explose. Sans déconner, autant je peux comprendre qu’on ait besoin de présenter certains trucs et artistes, mais si vous aimez un minimum le rap vous devez avoir écouter Hell On Earth. Tout y est incroyable. Que ce soit le charisme des deux MC, Havoc et Prodigy, les instrumentales toutes produites par Havoc (qui avait été sous la tutelle de Q-Tip sur le précédent album et on sent le progrès qu’il a fait) et des invités qui envoient la purée, à tout hasard Raekwon, Nas et Method Man l’air de rien. Sans déconner la puissance de cet album est juste nucléaire. Et si je considère que Extortion et Nighttime Vultures sont les deux meilleurs morceaux de l’album, je pense qu’en terme de puissance de couplet y’a pas mieux que Man Down. On y retrouve les deux moitiés de Mobb Deep accompagnés par leur comparse de toujours et énorme talent gâché : Big Noyd. Je dis talent gâché parce que chaque fois qu’il a placé un gros couplet sur un album de Mobb Deep il s’est retrouvé ensuite en taule, ce qui a toujours ruiné la possibilité d’avoir une ascension en terme de carrière. C’est con … Un peu comme Killa Sin, un affilié du Wu Tang qui fait des allers-retours prison tous les un ou deux ans, ne lâchant qu’un couplet ici et là avant de remettre les menottes. Crétin … Quoi qu’il en soit Man Down est un morceau extrêmement cool, chargé d’attaques pour le Def Squad (un groupe qui comptait dans ses rangs Keith Murray, Erick Sermon de EPMD et Redman, à l’époque rookie protégé de Sermon) parce que les clashs se faisaient à domicile également. Et puis arrive le couplet de Big Noyd et là ça défouraille. D’une part, si vous prêtez l’oreille, vous verrez qu’il arrive un chouilla hors beat, genre une demi seconde avant et se calle dessus comme un as ensuite, faut quand même un certain talent pour faire ça. Ensuite y’a une telle énergie/agressivité dans son flow que je peux pas m’empêcher d’imaginer que si c’était lui et non Prodigy que Murray avait attaqué après la sortie du morceau, Murray ne marcherait peut-être plus du tout. Et surtout j’adore ses piques entre “First of all, them tight niggas with that spaced-out shit. I stick a rocket up in they ass and give “em a lift” ou encore “Yo, dun, check the cross-examination, these niggas faking. So you can scream, you can fiend, you can dream for the bacon”. Je sais pas, chez moi ça marche complètement. Écoutez Hell On Earth bordel !
Je vais commencer bizarrement en disant que j’aime pas ce morceau. Nan vraiment. Je peux écouter Mobb Deep toute l’aprèm mais on ne me fera rester que le temps d’une piste ou deux devant du Ill Bill ou Immortal Technique, Cavalera c’est autre chose, faut voir quel groupe et quel album c’est. Pourquoi ? Je ne saurais trop expliquer pourquoi mais y’a une espèce de malédiction sur les rappeurs blancs qui sont là depuis plus de quinze ans aux US : fatalement, à un moment ou un autre, à moins qu’ils aient percé dans le mainstream, faut qu’ils se mettent à débiter des merdes sur les conspirations et autres délires anti-gouvernementaux (le plus gênant étant le morceau End of Days de Vinnie Paz). Allez comprendre … J’attribue ça à l’héritage commun de Jedi Mind Tricks, eux même inspirés par Pharoahe Monch et son habitude de rimer sur des machins un peu perchés, qu’ils ont poussés encore plus loin et de Non Phixion (où on retrouvait déjà Ill Bill) qui ont commencé cash en parlant de conspirations gouvernementales et autres manipulations des masses (le morceau Black Helicopters est assez représentatif, je dois avouer cela dit que je l’aime beaucoup). J’ai tendance à penser que Non Phixion avait un tantinet de recul sur ce qu’ils racontaient néanmoins, Ill Bill était le frangin de Necro, un autre rappeur du Queens avec qui il avait joué dans un groupe de death metal, ça peut un minimum aider. Immortal Technique lui est un peu dans cette veine là, sauf qu’il a pas besoin de parler d’illuminatis vu qu’il est péruvien. Mais c’est l’archétype du mec engagé, tellement engagé qu’il arbore en permanence une expression crispé et le nez froncé, un peu comme Zack De La Rocha s’il avait la courante en permanence. D’ailleurs ça s’entend dans son flow, on dirait qu’il a la mâchoire bloquée et qu’il ne peut parler qu’entre le peu d’espace qu’il a entre ses dents. Et là vous me dites que donc c’est de la merde non ? Hé bah … oui mais non. Parce qu’on a la chance d’être français et donc pas nécessairement obligé de comprendre les conneries qu’ils racontent pour apprécier le flow et pour le coup on est gâté. Je vous déconseille de traduire le couplet de Tech, vous seriez sans doute atterré, mais il faut reconnaître qu’il y met du cœur. En terme de vitesse de débit, d’enchaînement de syllabes (parce que dans le genre on est dans un autre truc que Migos) et pour une fois son côté connement vénère marche bien. Ne traduisez juste pas les paroles s’il vous plaît.
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