Oui, un sujet magnifique, qui nous unit tous et tout l’éternel blabla. La place de l’individu dans tout ça, la solitude existentielle et j’en passe. Un sujet fascinant s’il en est parce que je pense qu’on s’est tous un peu posé la question une fois, que ce soit vis à vis de nos amis, de nos proches ou de la société en général. C’est une question qui revient aussi pas mal quand on fait du jeu de rôle. Si vous avez lu tout ce que j’ai écrit depuis un moment (et vous avez intérêt !) vous avez dû remarquer que le rapport aux autres dans diverses formes revient souvent. Que ce soit entre les individus que sont les joueurs, leurs personnages ou la fonction de ces derniers, ou entre eux et le Maître du jeu, y’a de la socio à ne plus savoir quoi en faire. Et de façon pas si incohérente j’ai une série qui me vient en tête quand je pense aux rapports entre individus : la série Inquisiteur de Dan Abnett. Se passant dans l’univers de Warhammer 40 000 (oui, je sais, il revient souvent celui-là) la série est divisée en trois trilogie. La première (Xenos, Malleus, Hereticus) suit l’inquisiteur Gregor Eisenhorn, la deuxième (Rencontres, Renaissance, Révélations) se poursuit sur son disciple Gideon Ravenor tandis que la dernière (pas encore finie et qui n’en est qu’à un seul tome : Pariah) suit une tiers personne liée aux deux autres individus. Ne pouvant comparer que du palpable je vais me focaliser sur les deux premières trilogies.
Gregor Eisenhorn |
Gideon Ravenor (oui, c’est une boite, le pauvre est en chaise roulante puissance mille. Avec propulseurs antigrav ET sulfateuses intégrées) |
Déjà un point d’introduction est nécessaire : le cadre de toute cette histoire. On y suit deux personnages, chacun étant le protagoniste principal de l’histoire et tout deux faisant partie de l’Inquisition. Qu’est-ce que l’Inquisition dans Warhammer 40 000 ? En gros elle remplit à la fois le rôle de son inspiration historique (la purge par le feu de tout malotru jugé hérétique, mais aussi les extraterrestres et les corrompus) et des Men In Black de l’univers, chargé de faire disparaître les traces des menaces précédemment évoquées. Chaque inquisiteur possède une suite, autrement dit une équipe d'individus à divers talents, recrutés au cours de diverses investigations. Il existe dans le lore un sacré paquet de variantes et de philosophies, mais pour le bien-être de cet article je n’entrerai pas outre mesure dedans. Nul besoin de s’embrouiller. Dans les deux cas nos héros (enfin façon de parler) s'attèlent à enquêter puis à vaincre diverses menaces pesant sur l’Imperium. Comprenez que c’est de l’enquête avant de sortir les gros flingues quoi. Maintenant que vous avez ça en tête je vais directement parler d’un gros écart entre les deux et tout ce qui en découle. Eisenhorn est raconté à la première personne, Ravenor alterne les points de vue. Et ça change absolument tout.
Le but de la communication, hormis le fait de séduire les femmes et de mépriser son prochain, c’est de confronter des points de vue avec d’autres et pouvoir aller plus loin que son nombril. Et dans le genre du nombril y’en a à plus savoir quoi en faire dans Eisenhorn. C’est pour moi le plus gros souci que j’ai avec la série là : toute l’histoire se porte sur son questionnement de savoir quand est franchie la limite entre les moyens extrêmes (vous imaginez bien qu’être inquisiteur c’est pas un boulot simple) et la corruption pure et simple. Et purée il en parle, en long, en large et en travers. Et on est un peu seul avec lui dans sa tête, ses moments de questionnement vis à vis d’autres personnages sont quasi inexistants (je n’en vois qu’un seul en fait, en trois tomes). Ce qui est bête d’ailleurs vu que plusieurs antagonistes ou alliés sont clairement conçus comme des miroirs ou des faire-valoirs en termes de méthodes, de philosophies ou d’attitudes. Je pense notamment à Heldane, Quixos ou encore Osma. Mais leur temps à l’écran (si tant est qu’on puisse en parler vu que c’est de la littérature) est maigre. En fait tout le monde est maigre en temps d’écran j’ai trouvé. Et moi je n’ai pas aimé. Pour diverses raisons dont je parlerai sans aucun doute plus tard dans un autre article j’aime bien les groupes. Une bande de personnages colorés et distincts moi ça me plait. Et vu qu’on reste tout le temps avec Eisenhorn, eux n’ont pas franchement droit aux feux de la rampe. Tout chez eux est vu par rapport à Eisenhorn et ils n’existent que par lui. C’est d’autant plus criant quand l’un d’eux le plante dans le dos et que c’est considéré comme la pire chose possible du monde. Pas de discussion, quelques arguments vite faits bien faits et voilà. Et ça vaut aussi pour son love interest dont on ne verra jamais que ce que lui a vu en elle et pas l’inverse.. Ca m’est venu en lisant Ravenor après : tout est là pour Eisenhorn et sa vision des choses. Et si vous ne voulez pas être d’accord avec lui le livre ne vous en donne pas le droit, que ce soit ses choix, ses sentiments ou ses justifications.
Eisenhorn en une image |
Du coup parlons de son disciple. Déjà comme je l’ai dit plus haut la narration est partagée entre plusieurs personnages. D’un côté Ravenor lui même, puis vient son équipe qui ont chacun leurs chapitres par leurs points de vue, d’autres moments où on laisse la parole aux adversaires et bien entendu quelques quidam qui sont là pour subir les effets de l’histoire et illustrer pourquoi tout va mal. Et ça change absolument tout². Le fait de leur donner la parole fait qu’on a la vision d’autres individus, ce qui permet notamment à l’auteur de pointer les faiblesses et les erreurs de son personnage ainsi que les divergences d’opinion entre les membres d’un même groupe. Et ils pensent ces persos, ils évoquent leurs passés, leurs expériences communes, leurs divergences de méthode et de philosophie. Pour vous donner un bon exemple, on retrouve notamment deux personnages déjà vu dans Eisenhorn : Nayl et Kara. Dans la première trilogie pour moi ils étaient juste des noms, un peu anecdotiques d'ailleurs, pas franchement de traits distinctifs ou autre. Et une fois venu Ravenor je me suis mit à beaucoup les aimer et en vouloir plus de leurs sous intrigues et de leurs interrogations personnelles. Et surtout quand l’un d’entre eux fait une erreur ou s’écarte des autres c’est mentionné par d’autres personnages. On n’est plus uniquement dans la tête d’une seule personne sans recul sur soi. Et ce que ce soit la bande de Ravenor ou les moments où les antagonistes parlent entre eux de leur appréciation du Chaos. Alors que je tape ces lignes je me rends compte qu’on peut quasiment dire que la communication est le thème principal de la saga Inquisiteur. Peut être que je m’avance un peu en disant ça, mais entre la façon dont fini l’histoire entre Eisenhorn et Fischig, toute l’intrigue avec l’équipe de Lilith dans le troisième Ravenor, le rapport qu’ont les deux antagonistes à Slyte. Et de ce que j’en ai vu dans Pariah le personnage principal passe une partie de l’intrigue à courir après des réponses qu’on ne lui donne que très partiellement à chaque fois.
Et c’est pour ça que je préfère Ravenor à Eisenhorn. Parce qu’on a le choix de prendre ce qu’on veut dans l’avis de chacun et de d’embrasser ou non le point de vue du personnage principal. Comme je vous le disais plus haut : l’individu et la communauté. Par contre je tiens à nuancer un détail : si je peux être critique du personnage d’Eisenhorn, n’allez pas croire que sa trilogie est nulle. Juste qu’elle me parle moins, surtout vu les arômes de cyberpunk qu’ont les deux premiers Ravenor, c’est un de mes points faibles je l’avoue. Lisez donc les deux, notamment pour voir comment ils se répondent et s'entremêlent. Lisez les pour découvrir autre chose de Warhammer 40 000 que des Space Marines dans des vaisseaux qui dérivent dans l’espace. Lisez les pour vous donner des idées si vous voulez jouer à Dark Heresy. Lisez Bordel !
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