lundi 9 avril 2018

L’art et la manière de botter des culs

Il parait qu’on vit dans un monde violent. Je vous trouverai bien des statistiques sur le sujet, mais je pense que c’est déprimant et j’ai pas franchement envie de me farcir ça, vous m’excuserez j’espère. Et c’est vrai que quand on parle de jeu vidéo ou de rôle en général, il est assez dur de ne pas voir de moments où on n’est pas en train de trucider un peu tout ce qui passe dans notre champ de vision. Après tout, on a tous joué à un FPS non ? Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, loin de moi l’idée de faire le porte paroles de Familles de France, j’ai une dignité merci … J’ai juste envie de parler de la façon qu’on a d’aborder le combat, et qui sait peut être de parler de cette fameuse violence tiens.

D’ailleurs d’où ça vient cette idée de combat tiens ? Je vais m’avancer, mais historiquement on peut replacer ça aux premiers jeux de société en général en fait. Par exemple les échecs. On se retrouve très souvent avec une configuration à deux joueurs en opposition et le but est de vaincre, par chance, tactique ou duperie, qu’en sais-je. Le temps est passé et les règles ont bien évolués (d’ailleurs je pense très franchement que les échecs sont très loin d’être le premier jeu du monde, je le prends comme exemple ancestral) mais il reste ce principe de la confrontation et d’avoir un vainqueur. Si on prolonge encore, vu que les jeux vidéos à leurs origines reprennent beaucoup de choses des jeux de sociétés, encore une fois, la configuration demeure. A une différence qui change bien des choses : il n’y a un plus un individu adversaire en face, mais une foule de petites entités gérées par quelque chose d’artificiel. Et c’est là, je pense, que se trouve la grosse rupture qui fait qu’aujourd’hui plus personne n’en a rien à foutre de dégommer des armées entières sur son écran. Autant on peut avoir un brin d’empathie pour le joueur en face quand on lui mange sa reine ou son bataillon de cosaques, autant qu’est-ce qu’on en a à foutre de tas de pixels que l’on considère impersonnels ? Ce qui est amusant en un sens vu que Gary Gigax, créateur de Donjons & Dragons, en est venu à faire des jeux sur des persos individuels justement parce qu’ils avaient individualisés leurs personnage de wargame à force de jouer à avec. C’est quelque chose que j’ai constaté il y a assez peu de temps en fait, en faisant découvrir les jeux vidéos à ma miss. Elle m’avait questionné sur le fait un peu bizarre de descendre un peu tout ce qui passait, que ça annulait complètement le fait qu’on affrontait des êtres humains et conscients. Et c’est en me voyant jouer à Wolfenstein : The New Order qu’elle a mit le doigt sur ce qu’il fallait : tous les adversaires avaient des masques à gaz. Et par ce tout petit truc ils deviennent moins que des humains et on peut les truffer de plombs sans complexe. Et une fois que vous avez remarqué ça, vous le verrez sur tous les jeux auxquels vous jouez. 


Tous anonymes et indiscernables, aucun complexe à trucider
Et force est d’admettre que les habitudes transpirent d’un loisir à un autre, force est d’admettre qu’on a aussi ce traitement dans les jeux de rôle. Les adversaires sont des PNJ, pas franchement importants ou autre, donc leur exécution on s’en fout. Très franchement, vous seriez surpris de voir à quel point le meurtre est quelque chose d’ordinaire autour d’une table et d'accepté en général. Pour dire le peu de cas qu’on fait de la vie d’adversaires, pas mal de jeux proposent un traitement rapide de leurs points de vie, ce qui en dit long sur leur importance narrative. 7th Sea par exemple, où un perso suffisamment puissant peut décimer plusieurs gros bras en un seul jet, ces derniers étant un élément de combat représentant la piétaille que les héros déciment allégrement. Dark Heresy a ça sous forme d’un total de dommage qu’il est possible de fixer sur les personnages moins important, qui remplace leur score de dommages et les conséquences des blessures, autrement dit ils ne sont pas assez importants pour qu’on les traite en détails. Bon il y a aussi, effectivement, le besoin en gameplay de fluidifier le tout, surtout dans un jeu sur table où les dés se lancent et où le MJ doit faire le comptable si jamais y’a trop de stats à prendre en compte. Mais je pense que ça prouve quand même quelque chose. Et dans un média interactif et réactif (à l’inverse du jeu vidéo, j’en parlais un peu dans mon article sur le metaplot) ça peut quand même faire tâche. Et il y a un truc qui fait encore plus tâche à mon sens : c’est cette déconnexion qui s’opère entre le joueur et le personnage dès qu’on entre dans une situation de bagarre. C’est encore une fois un réflexe du jeu vidéo : l’entrée dans la phase combat, et le boss qui va avec en général. Et à partir du moment où les armes sont brandies, il n’y a plus d’interprétation, comme si c’était deux mondes différents. Et subitement la timide barmaid va dégainer un Desert Eagle et joyeusement exploser des rotules tout en se mettant à couvert avec l’efficacité d’un ancien de la Navy SEAL. Pourquoi ? Aucune vraie raison à part le fait que le joueur déconnecte la partie combat de son interprétation.


 Un individu normal ne fait pas ça
Je me suis rendu compte de ça assez tardivement en fait, donc ne croyez pas que je fais le donneur de leçons. Mon premier embryon de réflexion sur le sujet est venu alors que je lisais Hunter : The Reckoning, un des jeux composant le Monde des Ténèbres. Le principe de ce jeu est qu’on joue un individu qui se rend compte qu’il existe toute une platée de monstres et autres créatures qui ne veulent pas le bien de l’humanité et que c’est sa mission, donnée par d’étranges messagers, de leur faire leur fête. Et le jeu met bien l’accent sur le fait que c’est une histoire de gens ordinaires plongés dans des circonstances extraordinaires. Et en conséquences il faut créer des personnages du quotidien, et seulement ensuite les faire obtenir leurs pouvoirs et missions. Pour vous dire, l’exemple de la création de personnage c’est une quinquagénaire grasse avec une verrue poilue qui tient la maison de quartier tout en essayant de discipliner ses trois gosses rebelles. En lisant ça je me suis interrogé sur les méthodes que pouvaient trouver les personnages pour se procurer armes et matériels. Après tout c’est bizarre pour un architecte qui vit dans le centre-ville de New York de subitement acheter une carabine et un gilet pare-balles non ? Et pour rester dans le Monde des Ténèbres, c’est Vampire : La Mascarade qui insistait pas mal sur le fait d'interpréter sa transformation en vampire, y compris dans son rapport à la violence qui va avec sa nouvelle condition.
Et ma deuxième expérience, la plus enrichissante des deux, ce fut … Deadlands. Oui, ici on aime beaucoup ce jeu et on en parle, encore et encore, quand bien même ça vous plait pas. Toujours est il que Até avait décidé lui aussi de passer à la maîtrise, et directement j’ai été invité à bord. Et j’ai voulu faire quelque chose de différent de d’habitude, donc j'ai décidé de jouer un personnage pacifiste, surtout vu que je savais qu’à côté il y avait de la force de frappe. D’où apparition de Wyonna Earp (sans aucun rapport avec la série téloche et de BD, que je ne connaissais absolument pas), une huckster pacifiste et fine gâchette qui se veut justicière et en quête de reconnaissance. Et nom de dieu je m’amuse avec ce perso ! (elle aura sans aucun doute son article dédié d'ailleurs) De prime abord on pourrait se dire que devoir trouver autre chose que tirer sur son adversaire dès qu’il entre dans la ligne de tir c’est lourd. Que nenni ! Je me suis jamais senti autant appelé à être inventif dans ma façon de résoudre les confrontations. Que ce soit en dégommant les armes des adversaires plutôt qu’eux mêmes, appeler les autorités plutôt que de rentrer dans les bagarres et résoudre plus de choses par la parole. Et c’est fun.


De la créativité face à l’adversaire, un peu comme eux quoi


Je n’ai pas été joueur depuis cette partie là avec Até (dont on traine pas mal à organiser la suivante, la faute aux emplois du temps, ces saletés …) mais je sais que cette expérience du personnage pacifiste a été super enrichissante. J’avais appris ça la première fois que j’ai maîtrisé Deadlands avec un scénario où ils étaient en cavale : un simple combat ou une situation ordinaire est sympathique, mais un cadre avec ses contraintes et des exigences spéciales c’est nettement plus intéressant. Devoir composer avec des éléments qui obligent à réfléchir, ça c’est stimulant et fun. Cela dit, je parle de pacifisme mais vous pouvez prendre la route inverse. Si vous avez pris “sanguinaire” comme handicap, ou que estimez jouer une brute épaisse, pourquoi êtes vous en train de vous mettre à couvert ? Un personnage brutal aura sûrement bien plus tendance à foncer dans le tas, en visant le plus gros ennemi en face. Oui ça n’est pas forcément sensé et intelligent, mais est-ce que votre perso l’est ? Le combat n’a pas à être déconnecté du reste, comme je le disais plus haut. Et c’est pareil si votre personnage ne sait tout simplement pas se battre du tout. Que ce soit un adepte dans Dark Heresy, un simple joueur de poker de Deadlands ou un businessman fraîchement transformé en vampire. Auquel cas planquez vous et assumez le comme tel. Ou faites un truc “utile” à coté, comme fermer la porte pour empêcher l’ennemi de se replier, ou prendre le volant pour essayer d’écraser les gens en face. Après tout vous ne savez pas tirer ou frapper mais vous avez le permis. L’important est de ramener la narration partout, autant pour éviter l’artificiel que pour se donner plus de liberté. Essayez,  que ce soit en fonçant dans le tas ou en faisant le sournois ou le timide, vous verrez que c’est fun. Et vous me remercierez ensuite.

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