Il y a quelques temps, genre quatre cinq mois (ou plus), Le Lobbyisé et moi parlions littérature. Il m’avait alors touché mot de son bouquin du moment du moment : Les Héros de Joe Abercrombie. Je connaissais le nom du monsieur pour avoir traîné il y a des années de ça sur Elbakin, un site spécialisé en fantasy qui est un superbe vivier à gros cons par ailleurs. Enfin je dis ça … comme toutes les communautés ditent “spécialisées” il s’y était créé un champ de références obligatoires et intouchables auquel tout était comparé même si ça n’avait aucun sens et rien n’en arrivait à la hauteur. Eux c’était Georges R.R. Martin, Marion Zimmer Bradley (au moins j’aurais pu découvrir la dame, j’ai juste mit six ans pour la lire), Tolkien (v’la l’âge de la référence …) et parfois notre ami Joe ici présent. Par réaction épidermique à leur morgue j’ai pris le large et suis allé faire autre chose, notamment lire beaucoup de romans policiers parce que c’était ma nouvelle passion, lassé à la longue de la fantasy justement.
Et puis le temps a passé, je me suis aussi lassé du roman policier (faut dire que j’ai mit cher au stock qu’ils avaient dans ma bibliothèque locale et le fait d’y avoir bossé me donnait un accès illimité en plus) et j’ai dérivé vers encore d’autres genres. Dont un énorme épisode sur les romans Warhammer (qui fut le premier article de cette section je le rappelle). Et maintenant je mixe les plaisirs justement pour éviter de me lessiver le cerveau à un seul truc. Et c’est dans ces circonstances que j’ai choppé l’epub des Héros. Et figurez vous que je l’ai lu et que j’ai des choses à en dire. Parce qu’il en ressort selon moi un sentiment assez particulier.
Une couverture made in Didier Graffet, j’adore ce mec |
On y suit une guerre entre Le Nord et L’Union pour le contrôle d’une partie du Nord. Et je suis pas forcément plus capable de vous contextualiser plus la chose, il s’avère que Les Héros est en fait un spin-off d’une série plus vaste. Que je n’ai pas lu, donc un paquet de trucs me sont passés au dessus de la tête. Est-ce grave ? Excellente question, oui parce que plusieurs enjeux m’ont semblé du coup bien flou. Comme par exemple ce soldat disgracié pour une erreur passée, sans aucun doute abordée dans un livre précédent mais qui sonne très très creux pour moi, ou encore les questions de légitimité du roi du nord qui a tué son prédécesseur. Et non parce que le coeur du livre ne se trouve pas là. Vu que le parti pri est de montrer la guerre par les yeux des gens proches du sol, à la fois du côté de l’envahisseur que des défenseurs. On y suit donc successivement le fils de l’ancien roi du nord, une fille de général de l’armée attaquante, un colonel en disgrâce, un vieux guerrier qui pense à sa retraite et une jeune recrue avide de gloire.
Et le bouquin part pour 500 pages à vous enfoncer au maillet dans la caboche que la guerre c’est l’enfer, c’est crade et c’est du gâchis. Je sais, ça peut sonner lourdingue dit comme ça. D’un certain côté ça l’est, parce que plusieurs personnages passent de longues pages à monologuer sur les divers aspects de la guerre, et même le vétéran ultra aguerri, normalement le genre de personnage qui adore se battre, parle au détour d’une phrase du fait que c’est moche ce qui arrive. Je pense que l'intention d’Abercrombie était vraiment de déconstruire l’aspect glorieux des batailles et autres conflits dont bien des auteurs se régalent. Ce qui fait du bien après les kilos de Warhammer que je me suis fadé où, bien souvent, quand bien même les camarades d’armes meurent on continue d’avancer et de massacrer parce que. Sur cet aspect là au moins c’est rafraîchissant. De même, plusieurs passages s’attardent à parler logistique et tactiques. Que ce soit par rapport à l’approvisionnement des troupes, les déplacements d’infanterie à travers le pays, le relais d’information sur les batailles en cours et la gestion du moral des troupes. Y’a de la graine à prendre sur bon nombres d’aspects de la guerre qui ne sont pas pris en compte dans beaucoup de livres. Enfin je dis ça, j’ai jamais essayé de lire des romans de guerres historiques, paraît que la série des Sharpe est très bien pour ça, sait on jamais …
Le problème que j’ai avec ce bouquin en fait, c’est d’une certaine manière son propos. Loin de moi l’idée de vous dire que la guerre c’est cool, j’ai même fait un article exprès pour vous dire comment penser autrement qu’en se battant. Le hic est que le message de ce livre est que c’est vain de faire cette guerre. Et c’est étayé par de nombreux éléments tout au fil du livre (spoiler alerte) : L’Union n’avance pas par l’incompétence de ses chefs tandis que les nordiques s’entredéchirent sur la succession du roi. Le rookie avide de gloire mouille son pantalon à sa première bataille et perd toute envie de ne serait-ce que voir du sang. La fille du général émerge de sa visite du champ de bataille avec des PTSD constants et le guerrier supposément immortel crêve subitement et en vain. A la fin du livre, à deux ou trois personnages près, personne n’a changé ni vraiment avancé. Et c’est à la fois du génie et très chiant. Quand j’ai posé le livre je me suis mit à réfléchir un peu dessus, et j’avais un goût un peu amer dans la bouche, je me suis répété trois fois au moins “tout ça pour ça ?”. Et puis j’ai laissé la chose sombrer dans les méandres de mon cerveau, voyant quel hameçon mental elle gobait. Et je me suis rendu compte que j’avais déjà eu cette sensation avec un autre livre. C’était Le Ravissement de Britney Spears de Jean Rolin (nominé aux Renaudot d’ailleurs). Un livre où le personnage principal suit la concernée pendant une longue période, et où tout sonne très creux et artificiel, comme la vie de star qu’elle mène. Et justement par ce sentiment qu’il ne se passe rien, on touche du doigt la vacuité de ce que l’auteur décrit, et c’est très très fort. A mon humble avis d’ailleurs, le bouquin de Rolin est meilleur que celui d’Abercrombie, mais vu qu’on parle de plaisir de lecture sur deux genres tellement éloigné, c’est comme dire que la glace à la vanille est un meilleur plat que la moussaka (même si je trouve que la moussaka c’est dégueulasse pour ma part …). Quoiqu’il en soit, je pense que c’est là que réside la force/faiblesse du livre d’Abercrombie. Si vous considérez qu’il veut démontrer quelque chose de creux qui est vain, par un livre où on en ressort avec ce même sentiment, il a réussi son pari. Si vous estimez que le livre est vain dans son histoire et ses personnages, alors il est raté et sa tentative de dire “la guerre c’est l’enfer” est foireuse. A vous de faire votre choix.
La scène d’intro du livre, illustrée par Andrey Vasilchencko |
En tout cas si vous êtes curieux, lisez le pour vous faire un avis. Lisez le parce que la caractérisation des persos est bien roulée en quelques descriptions et répliques. Lisez le pour qu’on en discute.
Lisez Bordel !
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