lundi 23 mars 2020

Lisez Bordel ! #5 : John Constantine est mort à 250 numéros

Y’a quelques temps de ça Dwarfram a fêté son anniversaire (je reste l'aîné donc il me doit toujours le respect) et ce fut fort sympathique. Até été présent et a remporté haut la main un concours de pompes d’ailleurs, on a une preuve vidéo. Et sur place on a fait connaissance avec un charmant individu répondant au surnom de Loki, lequel nous a également suffisamment apprécié pour nous proposer de passer faire la samba chez lui deux semaines plus tard. On a accepté de bon cœur et on est arrivé le jour en question en avance. Du coup Loki nous a fait faire le tour du proprio et j’ai reluqué sa bibliothèque où se trouvaient … une partie de Hellblazer. Qu’est-ce qu’Hellblazer ? Ce n’est pas Hellraiser donc sortez tout de suite Clive Barker d’ici. Ce n’est pas Hellboy donc gardez Mignola au placard (à mon grand regret, c’est très bien Hellboy). Hellblazer c’est … je pense, ma série de comics favorite au monde. Qui mourut tragiquement aux mains d’un britannique qui se croyait brillant mais qui ne l’était pas. Hell-fucking-Blazer. J’en ai parlé une fois, en disant que j’en dirais plus à l’occasion. Voici cette occasion.

L'homme, la légende
Qu’est-ce que Hellblazer donc ? Pour le faire simple : une série de comic books qui. Déchire. Complètement. Sa mère. Quelque chose de violent. Plus précisément, une série de comic books, parue de 1988 à 2013, publiée par DC Comics, où l’on suit les aventures et mésaventures de John Constantine, magicien venu de Liverpool. Publiée sous la gamme Vertigo, autrement là où on a le droit d’être crade chez DC, la série a eu une putain d’aura culte et à raison. C’est presque un travail de titan d’en parler tant y’a de choses à en dire, mais promis je vais essayer. Hellblazer a marqué les esprits pour un paquet de raisons. Déjà son protagoniste : conçu à l’origine par Alan Moore pour un petit rôle à l’époque où il écrivait Swamp Thing, le personnage reçoit un accueil chaleureux et on décide de lui donner sa série solo. Sont alors engagés Jamie Delano au scénario et John Ridgeway au dessin, deux britanniques qui se mettent tout de suite à l’œuvre et donnent direct un ton à la série. Delano commence direct avec un aspect social très présent, Constantine est un prolo de Liverpool et ça se sent, le mec jure, fume, manque de respect à tout le monde et a été chanteur de punk, suffit de voir ce que Delano en dit en interview : “I was interested in commenting on 1980s Britain. That was where I was living, it was shit, and I wanted to tell everybody.” Et ça se sent. Dès le premier numéro on a du skinhead dans les ruelles, des logements d’ouvriers qui partent en loques et j’en passe. Ridgeway lui envoie la sauce et le trait est graphique, les détails gores ne sont pas épargnés (notamment ce type qui se mange lui-même) et les compositions de pages sont superbes (étudiez les cinq premiers Hellblazer si vous faites du dessin, vous en avez pour quelques années de dissertation). Le tout a un peu vieilli forcément aujourd’hui mais reste très efficace et représentatif du ton de la série, notamment le moment où John est entouré de fantômes de gens dont il a causé la mort (et dont on découvrira plus tout du long de la série) et dont il se défend à base de oui mais non. John est un escroc, un bâtard, ceux qui se frottent à lui se brûlent les ailes mais il a une conscience, bien maigre, mais présente. Je pense sincèrement que Delano l’a écrit comme ça pour faire un pied de nez à Docteur Strange de Marvel. Là où Strange est désigné comme magicien suprême et sauveur, John pense surtout à sa pomme, Strange est un nanti, Constantine un fils d’ouvrier, Strange est un type digne et bien éduqué, John se traîne en trench-coat sale et fume clope sur clope. Vous saisissez l’idée je pense. Jamie Delano écrira 40 numéros de Hellblazer et prendra ses valises, laissant la place à Garth Ennis.
Hellblazer par Rigdway. Admettez le, ça claque
Et Garth Ennis est un cas compliqué à traiter. Non pas qu’il soit mauvais, très loin de là même. Je pense que c’était à l’époque le mec qu’il fallait pour ça. Ennis est un punk, un bon, un gros, un dur, un sale, qui boit, qui rote et qui crache. Typiquement le mec qu’il fallait pour coller au ton de la série. Le problème de Garth Ennis c’est que quand on le laisse seul trop longtemps il part dans tous les sens et fait n’importe quoi. C’est un peu la version punk d’un gamin surdoué mais complètement intenable. Ce qui donne presque deux versions de Constantine selon si quelqu’un lui donne ses cachets ou pas. La première est la “bonne” si je puis dire, composée de l’arc Dangereuses Manies qui est sans doute le scénario le plus iconique de Hellblazer, pas pour rien que le film l’a quasi repris en intégralité, où John se meurt d’un cancer des poumons et se fait soigner par l’équivalent de Satan et ses copains déchus, chacun ayant un droit sur son âme et l’obligation de se battre pour cette dernière si jamais il vient à mourir. Avec le plus beau geste amical de l’histoire de la BD en prime. On lui doit aussi l’introduction du très cool personnage d’Ellie, un ancrage encore plus fort dans l’aspect punk et politique de l’Angleterre de l’époque, raffinant encore plus la chose dans l’ADN de la série, et cette fameuse rivalité avec le Satan local qui donnera lieu à de grands moments de BD. Et puis l’autre partie faite de délires très étranges, dont le moment où John est envoyé dans une Amérique parallèle par un sorcier vaudou, avec JFK la cervelle à l’air comme sidekick, le tout illustré par Steven Dillon. Ouais … Et je ne parlerai pas du moment avec un roi des vampires qui se fait uriner dessus avant d’être laissé à griller au soleil. Y’a des choses qu’il vaut mieux laisser en paix. Un truc méta intéressant dans cette période aussi c’est d’y voir la naissance de Preacher, série de ... Garth Ennis et Steve Dillon. Amusant non ? Surtout qu’un élément de plot de Hellblazer y est recyclé pour servir de postulat à la série entière. Lisez Preacher, ça vaut le détour. Ennis finira son run sur des émeutes raciales et la conclusion de la guerre entre John et Satan. Autrement dit, mûr pour être repris par qui veut derrière sans que ce soit ni compliqué ni trop vide.

Hélas l’avenir craint. Parce que c’est Paul Jenkins qui arrive ensuite. J’étais né depuis peu quand il a prit les commandes donc je ne peux pas dire que j’ai été déçu à l’époque et que les gens auraient dû le voir venir. Mais bon quand même … recruter un mec qui avait été directeur éditorial pour les Tortues Ninjas et n’avait jamais rien écrit lui-même c’était pas forcément la meilleure des idées hein. Et pourtant … je serais injuste de dire que le run de Jenkins est mauvais, ce n’est pas vrai. Il a des bonnes idées, des vraiment bonnes. Le réel souci c’est que bah … c’est pas des idées qui vont à Constantine. Que ce soit l’inclusion de légendes celtes avec un des personnages qui en fait un descendant d’Arthur (oui, LE Arthur) ou le moment où John se purifie de tout ce qu’il y a de mauvais en lui pour l’expédier dans un doppleganger en enfer. Ça aurait pu marcher dans toute autre série d’urban fantasy, tu mets ça dans les Dresden Files (une autre série, de romans cette fois, de qualité) ça aurait marché du tonnerre. Mais Hellblazer sent l’urine, la bière et les mégots, Merlin n’a pas droit de cité et John est un rat d’égoût, Jenkins avait déclaré en interview “through a contrivance of the story I took all the bits of Constantine I wasn’t interested in, shoved them in a homonculus and sent that off to Hell, leaving me with the bits of Constantine I wanted to write about.”. J’ai pas envie de parler de trahison, même si ça pourrait sonner comme tel, mais clairement le Hellblazer de Jenkins n’était pas le Hellblazer que les précédents auteurs avaient conçu et ça se sent. Un exemple simple de ça : son run se finit sur un quasi happy-end et les proches de John sont pour la plupart intacts. Il faut néanmoins lui accorder deux choses importantes : 1) le fameux doppelganger qui apportera beaucoup par la suite. 2) L’idée d’une fin positive pour Hellblazer qui sera bien mieux reprise plus tard par un autre auteur. Je ne sais pas si l’inspiration est directe, mais au moins il y avait un précédent pour défendre son argumentaire.

Dans beaucoup de cas, parler de descente aux enfers est une mauvaise chose. Quand vous êtes un détective de l’occulte c’est une bonne chose non ? Parce qu’après ça John bondit à pieds joints dans l’abysse et c’est mon anglais fou préféré, Warren Ellis qui prend le crayon. Et il faut savoir une chose : à l’époque Ellis VOULAIT écrire Hellblazer, c’était son rêve, son arlésienne, son Graal, le Don Quichotte de son Terry Gilliam et j’en passe. Et ce fut un régal. Beaucoup trop bref comme toutes les histoires d’amour passionnelles. Ellis ne fera que 9 numéros en tout et pour tout, un dixième ayant causé la rupture entre les deux, mais j’y reviendrais. Résultat on a droit à un seul arc narratif et plusieurs aventurettes parsemées ici et là. Et quel arc mes enfants ! Haunted est, à ce jour, l’arc narratif le plus sale de l’histoire de Hellblazer, dans une série qui a connu des serials killers, des démons, des anges, des succubes, des dieux aztèques, une addiction à la peau morte, la personnification du Viol, une représentation assez réaliste de ce que sont les massacres au Soudan et un mec qui se découd lui-même la peau et les organes. Hé, c’est publié chez Vertigo pour une bonne raison ... Un peu plus haut je disais que le Hellblazer de Jenkins n’était pas tout à fait le personnage que les autres auteurs avaient en tête. D’une certaine façon le Constantine d’Ellis est un peu dans cette situation aussi. Très clairement s’il était anti-héroïque sous la plume de Delano et Ennis, il passe un nouveau cap. Pour Ellis, John est un accroc à l’adrénaline en quête d’une cause quelconque pour avoir son rush, pas tant que ça intéressé par le fait de sauver des gens ou protéger ses proches qu’il assimile à des batteries de possibles frissons. C’est l’itération la plus cruelle de John, encore plus accentuée par l’effet miroir (clairement voulu) avec le bad guy Josh Wright, qui est un quasi jumeaux, le sens “moral” en moins. La vraie différence étant que Constantine conserve une part d’humanité, là où Wright est un sociopathe qui n’en a rien à foutre des autres. Le contraste fait froid dans le dos, bien plus que n’importe quel face à face à la con entre Batman et le Joker. Plus le style d’écriture imparable d’Ellis, notamment pour ses dialogues et les monologues de ses personnages (en même temps il a eu tout Transmetropolitan pour faire ses armes sur le sujet) c’est juste extraordinaire. Et surtout surtout, Ellis amènera avec lui un élément très important de l’ADN Hellblazer : Marcelo Frusin. Marcelo. fucking. Frusin. devrais-je dire. Illustrateur argentin (Hellblazer aime les argentins, j’y reviendrais. Allez comprendre pourquoi vu que c’est écrit par des britanniques …) bien trop rare dans le milieu du comic book, lequel donnera une patte absolument extraordinaire à tout ce qu’il illustre, et croyez-moi il a servi pendant longtemps dans Hellblazer. Et si vous voulez lire quelqu’un qui parle super bien de Frusin, allez là bas, c’est quelqu’un de bien. Hélas, comme je l’ai dit au début, l’histoire ne durera pas. La faute à un one-shot (c’est le cas de le dire …) qu’Ellis avait écrit et qui mettait en scène une fusillade dans une école … en 1999. Pour ceux qui ne suivent pas au fond, c’est l’année où a eu lieu la fusillade à Columbine. Face à ce concours de circonstances nazes, le père Warren pose ses noix sur la table, c’est publié tel quel ou il se casse. Shoot, l’histoire en question, n’est pas publiée et Warren, en bon punk qu’il est, claque la porte, furax comme pas permis, tout ce qu’il écrira les années d’après en porte l’empreinte d’ailleurs. Et c’est ainsi que l’une des meilleures périodes d’Hellblazer meurt trop vite. Shoot lui sera publié 11 ans plus tard dans un spécial hors-série, et entre nous c’est loin d’être extraordinaire.

Locked, illustré par Frank Teran, écrit par Ellis. Ce truc m'a fait faire des cauchemars pendant une semaine ...
Bien emmerdé, Vertigo se demande comment ils vont faire pour combler le trou. Et c’est là qu’il se passe quelque chose de spécial : Hellblazer passe à un auteur non britannique ! Ouais en fait j’en fais un scandale mais en vrai on s’en tape, il me fallait un brin de drama pour garder votre intérêt. On confie l’écriture de la série à Darko Macan, un … auteur de livres pour enfants (!) croate qui ne pondra que deux numéros avant de passer la main. Le tout ayant un parfum de conte, pas désagréable à lire, sympathique pour une itération mais clairement ça ne l’aurait pas fait sur un run entier. Et parce qu’un étranger n’arrive jamais seul, vient ensuite un américain, répondant au doux nom de Brian Azzarello, à l’époque auréolé de sa gloire de 100 Bullets (que je n’ai jamais lu d’ailleurs). Et … j’ai, tout à fait honnêtement, peu de choses à dire sur Azzarello. Non vraiment. Et c’est pas parce qu’il n’y a rien à raconter dessus ou que ce soit parfait et donc que je ne peux rien apporter au sujet. C’est juste que … je n’en retire rien, que ce soit de bon ou de mauvais, je vois Constantine dedans, je suis l’histoire et autre, Frusin est toujours là donc ça claque. Un petit arc est illustré par Guy Davis, un illustrateur qui a fait des trucs très cools pour le Monde des Ténèbres. Mais quand je clos la lecture néant. Et c’est pour cette raison que je cède la parole à l’amigo Skoeldpadda qui lui sait en parler. Musique maestro :

J'adore le run de Brian Azzarello sur Hellblazer. C'est pas le meilleur, Carey tient la corde, et Ellis et Ennis sont forcément derrière, pour des tas de raisons géniales, mais pour décrié qu'il soit, ce cycle est incroyablement dense en idées et concepts, prend admirablement la balle au rebond de son prédecesseur et pose de particulièrement solides fondations pour sa reprise par son successeur. Et puis Azzarello est un auteur que j'aime tout particulièrement parce que ses thèmes, comme ceux d'Ellis, sont toujours parfaitement identifiables sur ses nombreux récits.

L'argument souvent posé contre le run de Brian Azzarello, c'est John Constantine lui-même. Il aurait "changé", serait "un personnage différent", et soit, c'est le cas, mais pensez-y plus d'une seconde... Vous trouvez le constantine d'Azzarello différent ? C'est normal, à ce moment-là de son histoire, John Constantine est un homme différent, ... En fait, tout le run d'Ellis semble dédié à préparer ce genre de changement chez john, un Warren Ellis qui, rappellons-le, a passé toute sa vie à écrire des johnconstantines (John Hawksmoor, Desolation Jones, Spider Jerusalem...) avant de pouvoir enfin se frotter au personnage. Et ça n'a rien à voir avec son éviction du titre à cause de "Shoot", qu'on soit clair là dessus, depuis son premier épisode, il est évident qu'Ellis était en train de savament déconstruire le sorcier londonien et de le faire...grandir ? Sortir de sa boite de comique ésothérique bon à faire des fucks aux démons, en tout cas. jusque-là, john constantine "jouait" au punk, avec Warren Ellis, John Constantine est un punk, un anarchiste hyperpolitisé qui va brasser tout l'anti-tatcherisme latent des années 80 pour le faire exploser au grand jour du millénaire qui s'annonce (voyez son épisode de la littérale mort du personnage dans Planetary). Et je vais être très catégorique et même un peu méchant, mais à quiconque a lu et apprécié le run d'Ellis, il est impossible ne de pas lire et apprécier celui d'Azzarello, et si vous aimez Warren et pas Brian, c'est que vous n'avez pas lu le premier correctement. là. Brian Azzarello a lu Warren Ellis, et il a bâti son John Constantine sur ses ruines. littéralement. tout le nihilisme de son personnage nait dans ses récents déboires. Quand Brian Azzarello arrive sur le titre, John Constantine est au fond du gouffre (et la métaphore éditoriale est tellement facile que je vais faire semblant de ne pas la faire), il a vu les abysses, et les abysses l'ont vu en retour. il est changé.
Ce n'est pas pour rien que son run commence en prison, l'endroit qui "change les hommes".
Ainsi, après l'exploration meta de sa psychée par Ellis (et avant que Carey n'en refasse le con-man cynique qu'il était), Azzarello profite de son road trip impromptu pour transformer constantine en espèce de croque-mitaine mystique, personnage "sait-tout" à mi-chemin entre un Shadow et un Werewolf by night, rongé par sa propre connaissance mais rouleau compresseur d'une "justice" divine inéluctable. La plupart du temps, il n'est même pas présenté aux personnes qu'il rencontre, il est juste là, impassible, inconnu, comme une personnification du hasard ironique venue témoigner des évènements.
En fait, si Ellis explore et réfléchit le pulp, Azzarello, lui, en écrit au premier degré (ce qu'il ne se gènera pas pour prouver quelques années plus tard avec la fantastique idée de mélanger Batman et Doc Savage -et bien d'autres- dans First Wave). "what evil lurks in the heart of men? the hellblazer knows." et il se marre, dans l'ombre. L'épisode du blizzard est à ce titre particulièrement glaçant, manipulant son monde pour révéler une vérité dont il a toujours été l'unique détenteur et aiguiller le bras de la justice sous les yeux de spectateurs incrédules et inconscients du drame qui vient d'avoir lieu. Ce qui est amusant, c'est quand on jette un oeil distrait à la bibliographie d'Azzarello et qu'on remarque que, dans la foulée d'Hellblazer, il signera Loveless, une autre histoire de justicier vengeur qui parle par énigmes (et aussi illustrée par Marcelo Frusin). en fait, comme ça avait été le cas pour Ellis, on retrouve toute les marottes d'Azzarello dans ses vingt-huit (ça fait presque deux ans et demi, quand même) épisodes d'Hellblazer : la justice personnifiée, les méchants qui paient l'addition après des années de malheurs, les p'tites gens, la société ricaine et ses rednecks... et j'aime aussi tout spécialement son attachement au langage et aux accents et argots locaux (lecture en vo obligatoire).

Car Brian Azzarello est bien un excellent écrivain, et au delà de cette idée complètement géniale de réinvention "en douceur" du personnage, là où le cycle du natif de cleveland est brillant d'un point de vue narratif, c'est que cette présence mystique grandit au fil de ses quatre story-arcs (et demi). Certes, l'ouverture hard time est de loin le plus explosif, mais précisément, ici, tout le monde sait qui est John Constatine, il nous est présenté en même temps qu'aux détenus, son histoire est racontée à la troisième personne, il n'a pas besoin de cacher ses (good) intentions. Il est connu, et il est l'enfer sur terre. Une fois qu'il sort de taule, dans une environnement entièrement neuf pour lui (et pour le lecteur même habitué qui n'a jamais vu le punk de Liverpool s'aventurer en dehors de New York lors de ses visites nord américaines précédentes), il termine son évolution de rédempteur implacable, feignant sa mort, et redevenant peu à peu lui-même, mais différent, jusqu'à reprendre le chemin de la maison pour enfin terminer son oeuvre.
L'encart de pompier du premier auteur américain du Hellblazer est terminé, Brian Azzarello a rangé ses jouets, mais il a rendu John Constantine plus fort, plus teigneux, plus moral aussi, en juste retour des mensonges passés. La reprise de la série par Mike Carey se fera alors en douceur, le héro et sa série s'en retournant à Londres, où ils devront affronter les fantômes du passé (et nom de dieu quel combat ce sera ! Mike Carey, c'est le MVP d'Hellblazer).
Un truc que je trouve particulièrement intéressant également, quoique complètement à rebours, c'est quand on remarque soudain que le run d'Azzarello se déroule autour du numéro 150. Hellblazer comptera finalement 300 épisodes, et pour un passage décrié à la suite d'un auteur qui devait tout casser et dont le projet fut avorté dans l'urgence, on trouve effectivement un drôle de côté "pivot" au travail du papa de 100 Bullets.


Et puis il y a Marcelo Frusin......
Marcelo Frusin a été importé de son argentine natale par Warren Ellis, développant cette esthétique "de l'ombre" bien au delà de ce qu'avaient fait les artistes précédents, dont le style "indé britanique" (Mark Buckingham, Sean Philips, Will Simpson, Steve Dillon - Hellblazer a été un best-of de l'esthétique 2000AD pendant des années) s'est soudain vu dynamité à coups d'aplats moody. Si Ridgeway avait donné à John Constatine un côté plus réaliste, Frusin revient aux grands délires encrés de sa création sous les pinceaux de Stephen Bissette et John Totleben dans Saga of the Swamp-thing. Et si c'est Léo Manco, "le bill sienkiewicz argentin", qui lui succède à l'arrivée de Mike Carey, c'est pas par hasard. Hellblazer, la série, est en train de vivre une révolution internationale, et John Constantine, le personnage, acquiert un statut iconique. Bien différent de cette fascination qu'aux origines seul l'enfer lui réservait, il est maintenant la propre personnification de sa bédé (le comics code a sauté, et les éditeurs se sont bien rendus compte de l'erreur qu'ils avaient faite avec Ellis, les auteurs d'Hellblazer ont désormais carte blanche -ce qui ne va pas aller sans poser de problème dans le futur...-).

J'ai l'air d'en faire des tonnes, mais qu'on soit clair, je le répète, le run de Brian Azzarello sur Hellblazer est loin d'être le meilleur qu'ait vu la série. Le truc, c'est qu'il est en parfait prolongement du run d'Ellis, et il marche. et surtout, Azzarello rend le personnage couronné de gloire, une gloire mutique et violente, certes, mais il est désormais sur le chemin d'une rédemption que Mike Carey lui offrira, lui faisait faire la paix avec ses démons......et s'en créer de nouveaux, mais c'est un autre sujet. Non, en vérité, la raison pour laquelle j'écris ces lignes, plus que défendre un run qui se tient parfaitement en soi, c'est afin, naïvement peut-être, de faire taire cette idée qu'Azzarello aurait changé John Constantine et qu'il en ai fait quelqu'un d'autre. non, tout ce que fait John dans ces quatre arcs est dans la lignée de ce qu'il avait fait sous la plume d'Ellis. Le problème, c'est qu'en tant que premier auteur américain et avec ses idées narratives et de character development franchement marquées, il s'est avec le temps attiré une haine incroyable chez les fans de la série. Le mec qui a vraiment changé Constantine et en a fait une parodie de lui-même a grands coups de retcons stupides, d'actions injustifiées et de décisions hors-de-caractère, c'est Peter Milligan... sauf que Milligan, il a "une aura" dans le milieu des comic-books, et surtout, c'était l'un des "éditeurs associés" de Vertigo à l'époque (y a pas rédac' chef, c'est un label). Et justement, quand on finit par lire, dix ans après la fin de la publication d'Hellblazer sous le label Vertigo, que Milligan a fait un meilleur job que Brian Azzarello sur le personnage, il est temps de rétablir quelques vérités.

Merci vieux frère, je reprends ici la main :

Et après cette aventure américaine, Hellblazer revient au bercail. Doublement parce que c’est un auteur britannique qui reprend le scénario et parce que John rentre en Angleterre. J’ai évoqué plus tôt que Warren Ellis avait été l’un des meilleurs à faire Hellblazer, j’ai pas dit qu’il était le meilleur. Je pense sincèrement que ce titre revient … à Mike Carey, qui n’a qu’un R donc aucun lien de famille avec Jim, épargnez-vous la blague, vous vous rendrez service. A l’époque il sort de la série Lucifer, spin-off du Sandman de Neil Gaiman, je n’ai jamais lu les deux, le premier parce que ça vient de Sandman, le second parce que Neil Gaiman ne s’est pas encore détaché d’être “le mec qui a écrit un truc avec Terry Pratchett et si ça vous plait pas je vous fous un doigt dans l’œil. Brutalement. Mais j’ai fait mes devoirs en amont d’écrire tout ça, et thématiquement je vois pourquoi on l’a appelé. Lucifer, la rébellion, l’occulte, l’attitude du perso, il y avait des ponts communs. Et ainsi Carey commence son run en faisant rentrer John des États Unis, et pose en douceur ce qui va donner l’identité et la saveur de son run : Carey est un mec qui sait qui est John Constantine et qui connaît l’univers de Hellblazer. Il suffit de lire ses deux premiers numéros pour le voir, on commence sur une histoire de suicide un peu étrange dans un immeuble résidentiel, le genre de faits divers que Delano utilisait souvent comme amorce, les victimes étant toutes des prolétaires, chers aux débuts punks de la série, Steve Dillon, fidèle partenaire de Garth Ennis illustre le tout, le voyage américain d’Azzarello est mentionné et le monde a avancé entre temps, et on peut voir l’histoire d’agression d’Angie, nouveau personnage introduit par Carey comme un écho au fait que John est l’addict aux sensations fortes qui se cherche des motifs pour partir en croisade qu’Ellis décrivait. Ça pourrait sonner comme du continuity-porn comme disent les anglophones mais la chose vit très bien toute seule, tout ce que je viens de citer est quasiment un deuxième niveau de lecture. C’est l’immense qualité de Carey à chaque numéro et sur chaque arc. Le type doit sans aucun doute être un nerd absolu de Hellblazer et tout ce qu’il écrit est du coup extrêmement bien … “intégré”, on sent une réelle continuité. Et dieu sait que les retcons et autres itérations solitaires ça m’emmerde prodigieusement, j’ai besoin de sentir que la fidélité que je donne à une œuvre elle paye au bout du compte. C’est d’ailleurs brillant à quel point tout le run fonctionne comme une mécanique très bien huilée. Chaque arc peut être prit individuellement, il marche très bien, et prit dans la globalité il offre une pièce du puzzle que Mike (ouais, on est pote donc on se donne des p’tits noms) constitue à chaque numéro. La façon dont il amène toute la mystique autour de La Bête est juste une merveille de détails de foreshadows posés bouts à bouts l’air de rien. L’autre prouesse de Carey, et je sais pas si j’ai jamais vu ça ailleurs (ne me dites pas Scorsese, c’est pas pareil) c’est le tour de force qu’il a réussi de faire une histoire entière (du numéro 194 au 212) sur la lente et inexorable défaite du personnage principal. Parce que c’est bel et bien ça : John perd, d’abord en se faisant prendre à son propre jeu contre La Bête, puis par Rosacarnis et ses enfants, puis par Satan (qui rachète pour l’occasion toute la loose qu’il avait prit dans le run de Jenkins). Et pourtant ça marche, c’est injuste, cruel, frustrant, affreux à plusieurs moments mais jamais ça n’est forcé ou trop gros. Souvent quand une histoire tourne mal je ne peux m’empêcher de me dire qu’untel ou untel a été stupide et que l’auteur a rendu ses héros crétins pour rater un machin pareil. Ça n’est jamais le cas chez Carey, j’irais même jusqu’à dire l’inverse, sous sa plume tout le monde y apparaît sous sa forme la plus parfaite, en accord avec ce qu’on sait d’eux, tant en forces qu’en faiblesses.

Frusin, le grand Frusin ...
Ce mec a compris comment Hellblazer marchait. Et ses hommages sont justes superbes, notamment le moment avec les trois vies rêvées, chacune rendant hommage à une époque différente d’Hellblazer, Garth Ennis avec Steve Dillon et Kit en personnage principal, Delano avec Frusin qui reprend les compositions à la Ridgeway et le retour de Zed, pour en arriver au “présent” avec Manco et Angie. Mes deux seuls petits reproches seront le retour de Joshua Wright qui … ne se ressemble absolument plus, tant visuellement qu’en terme de caractérisation, j’ai dû lire un wiki puis reconsulter mes volumes pour comprendre que c’était lui. Et de la même façon l’apparition d’Ellie est très bien mais bien trop maigre à l'échelle de l’importance du personnage pour l’histoire de la série. Je pense qu’en y réfléchissant le thème que Carey a voulu poser sur tout son arc c’est le poids du passé et son importance. Que ce soit Gladys Wren qui se cramponne à des sensations passées qu’elle vit par procuration (et dans un très chouette call-back, sa réserve sera utilisée par Angie 30 numéro plus tard). le Sépulcre Rouge dont plus personne ne se rappelle l’apparence (sauf le seul personnage qui a fait ses devoirs). La Bête dont la naissance est placée à la Genèse. Rosacarnis qui se définit par les antécédents que sa famille a eu avec John. Nergal qui veut récupérer ce qu’on lui a autrefois pris et utilise ce qu’il a autrefois laissé derrière lui. Merde y’a trois chapitres complets où quiconque a eu un lien même maigre avec Constantine se fait cruellement massacrer, les rares qui arrivent à y échapper sont, comme par hasard, ceux qui utilisent un élément passé pour s’en sortir (le passage avec les contes de fées est juste savoureux, Leonardo Manco (j'y viens dans un instant sur ce monsieur) s’est encore fait plaisir et ça se voit). On revoit le fameux Doppleganger qui a fait sa vie en enfer et on va dire qu’il n’aime qu’assez peu avoir servi de poubelle ... Et bien sûr la réapparition de Gemma, Sheryl, Map, Clarice. Et tout l’épisode “flashback” que j’ai évoqué plus tôt. Le Hellblazer de Carey est une somme de tous les Hellblazer précédents, poli et taillé avec amour pour montrer qu’il y a un beau diamant au sein du caillou.

Leonardo Manco mesdames et messieurs
Et le type sait s’entourer en plus. Steve Dillon que j’ai déjà évoqué pour son introduction, puis le retour de Marcelo Frusin, notamment dans tous les scénarios où l’effroi et la nature priment (magnifique deuxième partie de Chemin de Croix) et ensuite … Le clou du spectacle, le grand, le magnifique, l’homme sans qui tout ne serait pas comme ça : Leonardo Manco. J’AIME d’une passion profonde et dévorante le trait de ce mec. Illustrateur argentin (quand je vous disais que la série aimait les argentins !) avec une sacrée patte, le type a pour lui deux arguments : d’un son trait assez “réaliste” à l’opposé de Frusin, qui donne un tout autre ton et ancrage à ce qu’il illustre, lui offrant ainsi une grosse dose de personnalité par contraste. Et de deux ce mec a un don pour le gore grandiloquent ultra viscéral. Ses monstres sont parmi les plus iconiques d’Hellblazer pour moi, que ce soit Beroul dans All His Engines (la carte de visite parfaite pour qui ne connaît pas Hellblazer et veut découvrir), ses compositions quand John est en enfer et même Nergal arrive à être effrayant son crayon (et c’était pas gagné vu le matériel de base). Dans mon esprit, Hellblazer c’est le trait de Manco. Pour être tout à fait honnête avec vous, j’ai commencé avec lui d’ailleurs. Je trainais dans les rayons d’une librairie, à zieuter les comic book et parfois à en sortir un pour regarder vite fait dedans et les remettre en rayon, en évitant soigneusement les Batman parce que c’est mainstream. Et puis je tombe sur ça et me penche pour y jeter un œil. Direct les illustrations de Manco me saute au nez et je me suis dit “fuck, il me le faut” je l’ai donc acheté aussi sec et je suis rentré chez moi le lire avec hâte et amour. Et ce fut la grosse claque dans la gueule. J’ai hélas dû attendre plusieurs années avant de pouvoir lire la suite parce que les versions françaises éditées chez Panini Comics c’est pas la joie pour un sou. Grâce soit rendu à l’ami Skoeldpadda (encore lui) de m’avoir envoyé un gros bundle de CBR en 2013 qui m’ont confirmé que j’aimais pas ça pour des prunes. Et pour reprendre sur ce que je disais avant, c’est aussi l’époque où Tim Bradstreet fait les covers et dans le genre ça a beaucoup apporté à l’identité de la série. Je vous ai déjà dit que j’aimais le run de Carey ? Hélas dans un de ses derniers numéros qu’apparaitra pour la première fois Giuseppe Camuncoli, sorte de péché originelle qui annonce le caca à venir bien plus tard. J’y reviendrai …

Par Tim Bradstreet, l'image qui résume toute une série
Une fois le run de ce dernier bouclé, il laisse un John en ruines mais déterminé à faire peau neuve et lâcher la magie. Ce qui est intéressant comme page blanche pour quelqu’un qui prend la relève. Et la personne qui reprend le flambeau … est assez surprenante. C’est Denise Mina, auteur de polar écossaise qui s’y colle. Première femme à écrire du Hellblazer d’ailleurs. Je dois admettre, pour l’avoir relu alors que j’écrivais tout ça, que je suis encore aujourd’hui partagé sur son run. Il n’est pas mauvais. Vraiment. Toute l’intrigue sur l’empathie excessive et le rapport à autrui colle extrêmement bien avec le personnage de Constantine, surtout quand plus d’un personnage lui a répété qu’il ne pensait qu’à sa propre gueule. Bon point à ce niveau-là. Le souci c’est que Denise Mina n’est pas une auteur de comic et ça se sent. Son run couvre 22 numéros et ne fait qu’un seul arc, lequel avance à petits pas et avec quelques ventres mous par moment, notamment à cause d’un ping-pong entre différentes époques qui servent à amorcer l’intrigue. La cadence du récit collerait bien mieux, de façon peu surprenante, à un roman et par moment l’ennui guette. Néanmoins la demoiselle Denise a dû soigneusement lire Carey avant elle, à moi que ce soit le fait d’avoir Manco comme illustrateur qui lui souffle des bonnes idées, ce qui offre une très bonne continuité par rapport à l’arc précédent. John est dans le caniveau et s’est coupé de tout le monde, jusqu’à ce que l’intrigue l’oblige à retrouver Angie, sa nièce Gemma et Chas, ami depuis le départ de la série avec qui il avait coupé les ponts à la fin du run de Carey. Et justement en utilisant ce postulat sur l’empathie, elle arrive à recréer des liens entre les personnages et des réconciliations sans que la chose paraisse forcée. Et une intrigue qui semble naturelle, c’est du travail de qualité. A noter que Mina et Manco remettront le couvert quelques années plus tard pour une adaptation en comic des deux premiers volumes de la trilogie Millenium de Stieg Larson, une œuvre de qualité que je vous recommande.

Et arrive enfin la dernière bonne époque d’Hellblazer. Ho désolé j’ai spoilé un truc ? Peut-être mais j’ai des choses sur le cœur depuis un paquet d’années moi, et y’a un moment faut que ça sorte ! C’est Andy Diggle qui prend les rênes. Il avait peu fait avant Hellblazer, un bref run sur Lady Constantine qui est un spin-off historique sympathique mais assez inoffensif. Mais pourquoi pas après tout ? Le type est dans le ton. Et comme la vie est bien faite, lui aussi garde Manco au dessin. Je pense qu’en fait Leonardo Manco était l’ange gardien caché des bons Hellblazer passé 2002, c’est une théorie qui vaut ce qu’elle vaut mais je l’aime bien. Et comme c’est, on ne le sait pas encore, le bouquet final, Diggle et Manco lâchent les freins, tant en termes d’histoires que de visuels. On y suit donc un aristocrate pervers et maléfique, aidé par un magicien sanguinaire venu du Darfour qui mange les gens. Ouais c’est assez cliché dit comme ça, et en un sens Diggle l’assume. Le but de son run est de faire une synthèse de Constantine et expliquer ce dernier. J’ai parlé du run de Carey avant, sur l’omniprésence de la défaite, pareil dans celui d’Ennis où il finissait SDF et cancéreux. Admettez que ça fait beaucoup pour un seul mec. Pareil, pourquoi John se retrouve toujours dans les coups foireux à sauver le monde ? Toutes ces choses qui sont, dans les faits des diktats de la fiction, Diggle en fait des éléments in univers. Puisant dans une vieille histoire de Jamie Delano qui doit remonter au numéro 50 si ce n’est avant, Diggle reprend l’idée du frère défunt de John, qui était le désigné par le destin, auquel John a en gros volé la place. Et c’est ce fameux esprit qui l’a à la fois mener par la “synchronisation magique” à être toujours là où il le faut et qui a toujours cherché à le saper de l’intérieur pour réinvestir son corps. Et si clairement je pense franchement pas que c’était l’idée d’Ennis, de Delano ou de Carey de justifier ça comme ça, ça marche à fond. Parce qu’on garde ce qu’avaient fait Carey et Mina : une continuité propre et nette. Et grâce à ça Diggle arrive à faire ce que Jenkins avait échoué : faire gagner Constantine tout en gardant le ton de la série. J’ignore sincèrement s’il avait vu le précédent et s’est dit qu’il allait le faire “bien” mais dans ma tête ça ressemble à ça. Et ainsi se clôt Hellblazer, sur un 250ème numéro anthologie à plusieurs mains qui se laisse correctement lire même s’il ne transcende rien. Mais c’est pas grave c’est agréable comme final.


SAUF QUE NON ! Je m’excuse d’avance pour les oreilles chastes, les gens coincés et les diverses communautés que je pourrais toucher par inadvertance dans les lignes à venir : tout ce qui va suivre risque d’être vulgaire, ça me tient bien trop à cœur pour que j’en parle de façon zen. Vous êtes prévenu. Parce qu’Hellblazer n’a pas fini au numéro 250. Quelqu’un s’est dit qu’on allait refiler le bébé à Peter Milligan. Peter Milligan, auteur britannique qui avait bossé pour 2000AD brièvement et sur Shade, The Changing Man pour Vertigo est un auteur de merde. J’aime pas cracher ou autre, j’essaye toujours de faire des articles qui parlent positivement des choses et d’exalter ce qui me plaît plutôt que de flinguer tout ce qui bouge, je vous le jure. Mais sincèrement, il n’y a QU’UN SEUL truc sauvable dans la carrière de ce mec, et c’est un spin-off de Venom bordel ! Et il a pitché Azrael comme personnage principal de Knightfall. Maintenant vous savez qui blâmer … Mais pourquoi ne pas lui laisser le bénéfice du doute ? Après tout chacun peut avoir ses coups d’éclats, son quart d’heure warholien et autres fadaises du style non ? Non. Les 50 dernières numéros d’Hellblazer que nous inflige Peter Milligan sont mauvais, merdiques, chiants, nazes, puants, foireux, haïssables, incohérents, ridicules, pétés, cheaps, idiots, inutiles. Et y’a pire à sa façon. Vous savez pourquoi j’ai arrêté de mater Vikings, la série de History Channel ? Parce que j’en avais marre de voir du gâchis de bon matériel. Et là c’est pareil mais encore pire parce qu’il n’y a même pas les paysages irlandais. 40% de que propose le run de Milligan en terme d’idées et de postulats est honnête, et à sa façon lui aussi a capté quelques bons trucs dans l’histoire d’Hellblazer et à qui est John Constantine. Je pense notamment au rapport qu’il a avec son éternel trenchcoat, le sort de Cheryl laissé en plan à la fin du run de Carey et le fait que Gemma voulait se lancer dans la magie et les dégâts qui allaient inévitablement en résulter. Pour une exécution de merde. Franchement. Les 60% restant ? Encore plus de la merde en barquettes congelées et acheminées à la chaîne avant d’être mises sous cellophane. Par où commencer … Par le cross-over avec Shade, The Changing Man qui n’a absolument rien à foutre là ? Par l’obsession que Milligan a mettre du sexe partout et inutilement ? Par le retour de Nergal qui avait été oblitéré par Satan dans le run de Carey ? Par l’introduction d’un love interest très mauvais en la personne d’Epiphany Greaves et ses putains de cheveux bleux ? Par le déraillement complet que cette romance inflige au personnage de John ? Par le crachat glaireux et gluant que Milligan balance sur le personnage d’Angie en la transformant en obèse jalouse complètement mesquine ? Par cet éternel besoin de mettre un viol dans le développement d’un perso féminin ? Par la totale absence du personnage ultra prometteur de Maria Constantine ? Par le personnage de Finn Brady qui est un monticule de potentiel gâché infusé à l’idée de merde ? Par tous les ajouts à la magie qui crachent sur tout ce qu’on connaissait sur les précédentes règles données pour l’univers d’Hellblazer ? Par la mort complétement gratuite du personnage de Phoebe qui aurait pu être intéressant ? Par l’abandon total du design et des changements qu’avait apporté Diggle ? Par le flashback qui vire à moitié pédophile avec des loups-garous ? Par le moment juste gênant avec des punks plus cliché tu meurs ? Par le fait que John se marie avec une nana qui a genre 25 ans de moins que lui et qu’il a rencontré six mois plus tôt mais tranquille hein ? Par le paquet de moments bien sexistes qui parsèment le run ? Et je sais que j’en oublie, à sa façon, Dieu merci. Et si encore les illustrateurs étaient de qualité … J’avais écrit ça pour en parler en 2013 “Peter Milligan avec ses deux illustrateurs qui sont respectivement le gosse bâtard de Glenn Fabry et Enki Bilal jeté dans une poubelle et un sous Marcelo Frusin sous LSD qui aurait dégénéré mentalement.“ Et je me trompais en disant ça. Invoquer Frusin, Bilal et Fabry c’est sale … pour eux de se faire rabaisser à ce niveau. Lisez ce que ces messieurs ont illustré, vous en sortirez grandi avant tout (toutes les collaborations de Fabry avec Garth Ennis, Hellblazer avec … tiens tiens tiens Mike Carey à tout hasard ? et Loveless pour Frusin. La trilogie Nikopol, la Tétralogie du Monstre, Partie de Chasse pour Bilal). Le premier c’est Simon Bisley qui possède un certain talent pour ses choix de couleur … et absolument aucun en terme de narration et de composition d’une page, le mec est un cover artist qui devait pisser copie pour Vertigo et que Milligan a sans aucun doute prit en pitié, pour notre plus grand malheure. L’autre c’est Giuseppe Camuncoli qui est … talentueux à sa façon ? Je m’explique : Camuncoli est pas né de la dernière pluie, le mec a servi dans rien de moins que le Journal de Mickey en Italie, ouais j’vous jure. Son storytelling marche, y’a pas de problème avec ça. Hell, j’aime même le mini numéro qu’il a illustré pour Diggle Constantine apparaît comme personnage secondaire, l’histoire étant vu par les yeux d’un prêtre. Mais ça marchait justement parce qu’un trait très différent du style de la série collait avec la vision de quelqu’un qui était narrativement extérieur. Sur un run entier vu des yeux de Constantine ça ne marche pas. Surtout que ses designs de monstres sont particulièrement fades et son passage en enfer est d’un ennui à mourir. Et ce final bordel … Je sais absolument pas à quoi il pensait le père Milligan. John meurt, mais en fait non, pis finalement il se décide à se faire tuer par sa nièce mais disparaît d’un dard dans la tête pour qu’on ait ensuite droit à un panel de lui très vieux dans un bar où toutes les bouteilles ont un nom d’auteur ayant contribué à la série. Honnêtement je pense que la balle dans la tête est la réaction normale pour le lecteur qui vient de se fader cette merde.

Et ensuite … Milligan tuera une troisième fois John Constantine. Parce qu’il n’en a jamais assez ce con. En 2011 a lieu le reboot intégral de DC Comics, connu sous le nom de New 52. Et quelqu’un décide qu’en fait, ces années entières à vétoïser les apparitions (véridique, c’est la raison de la création de dix kilos de personnages inspirés par des auteurs se l’ayant vu refuser) de Constantine dans l’univers DC en fait c’est grave une bonne idée. Spoiler : non c’est pas le cas. Le voici donc intégré dans Justice League Dark avec … Peter Milligan à l’écriture. Qui nous inflige de nouveau Shade, The Changing Man ainsi que des histoires de romance à la con avec Zatanna. Et pour compléter le tableau avec deux ou trois seaux de tripes lancées dessus ça devient un bête truc de magie. Hellblazer était une série complètement occulte, là-dessus rien à discuter mais John Constantine a toujours été un escroc et un arnaqueur avant tout, avec trois quatre sorts dans sa manche selon les moments. Là ça devient … Docteur Strange qui fume des clopes. Et on n’avait pas besoin de ça. De dégoût j’ai pas essayé d’aller plus loin. Hellblazer était bel et bien fini. So long vieux frère …

Face à un truc pareil on ne peut que prononcer l'heure du décés ...

Ce fut long mais il le fallait. Il fallait que je vous parle de Hellblazer. De sa gloire. De ses grands noms. De ses grands moments. De sa chute hélas. Retenez une chose si vous avez la flemme de tout lire : c’est la meilleure série du monde et elle s’arrête au numéro 250. Voilà. Et surtout lisez des bonnes BD, lisez Hellblazer pour comprendre d’où vient le deuxième contributeur au fait que le trench coat c’est la méga classe (le premier étant évidemment Matrix), pour apprécier son ambiance punk britannique, pour apprécier des décennies de bonne urban fantasy. Et parce que c’est juste ma série préférée. Et surtout …

Lisez Bordel 

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