lundi 3 décembre 2018

Faire un perso

Pendant longtemps j’ai fait des personnages de jeux de rôle un peu comme ça, à la voila comme j'te pousse. Pour l’anecdote, j’ai commencé à en faire vers … 15 ans si ce n’est moins je dirais. Et il existe un énorme fichier word où traînent plus de 70 personnages réalisés par mes soins. Y’en a … peut être dix que je trouve sauvables aujourd’hui. Ça tient à plusieurs facteurs. Le premier et le plus simple c’est l’inexpérience en terme d’écriture. C’est pas compliqué : si quelqu’un vous dit qu’il s’est réveillé un matin avec le Don de l’écriture, envoyez lui une manchette dans la gorge puis une fois qu’il se roule à terre frappez la tempe ou les côtes à coup de pompes. C’est des conneries. L’écriture c’est comme un muscle, ça se travaille, ça s’apprivoise, ça s’expérimente et seulement après ça marche. Et quand vous êtes un petit gugusse qui découvre ses premiers rasages, vos muscles tant des biceps que du crayon bah ils sont chétifs. Donc les poncifs ridicules ont plut pendant un long moment. Que ce soit les personnages ténébreux et taciturnes hantés par un passé trouble, les fous qui font n’importe quoi et tranchent des gorges en rigolant, les familles assassinées pour faire du background et, j’ai très honte de l’admettre, j’ai aussi eu une qui avait été violé et du coup devenu ultra violente (et en plus c’était une lesbienne. Le taux d’implications nauséabondes crève le plafond). Après venaient les trop spéciaux, qui avaient des pouvoirs magiques que personne d’autre n’avaient, que ce soit par une tradition ancestrale, un pacte avec on ne sait quelle entité des abysses ou la redécouverte à eux seuls. Ça aussi c’est ignoble dans le style. Et la dernière catégorie c’étaient les “copies/dérivés” en tant que tel pas forcément horribles mais ils étaient la transposition quasi directe d’un autre personnage ou construit autour d’une illustration et pis voilà. Très très souvent c’est pas brillant non plus, surtout si vous aviez des goûts de chiotte comme moi plus jeune. Et oui, si ça vous rappelle un précédent article c’est normal.

Genre je trouvais ce genre de machins la mégaclasse. J’étais jeune ...
De façon prétentieuse je pourrais vous dire que je vais vous donner la Bonne façon de faire les choses. Mais aussi bouffi que soit mon égo je ne pense pas avoir La Réponse, donc je vais me contenter de donner quelques pistes et piliers que j’utilise personnellement pour concevoir mes persos. A vous de me jeter des ordures et autres crottes de nez si vous désapprouvez. Et j’ajouterai que ce sont des méthodes, une bonne méthode ne fait pas nécessairement un bon résultat, ça aide juste.

Ayez une base : ça peut sonner bidon comme point mais c’est pas si ridicule que ça. Quand vous créez votre personnage essayez d’avoir un truc en tête assez ferme de ce qu’il sera ou fera. Les jeux avec des classes aident un peu à ça, vous savez que vous allez vers barde ou voleur si vous voulez être furtif dans Donjons & Dragons et que le barbare et le guerrier sont ceux qui envoient des claques. Savoir ce qu’on veut aide beaucoup à déterminer la suite des événements. Que ce soit au niveau de vos choix d’attributs, de votre historique et de vos décisions.

Pensez autour de concepts : oui, je sais, j’ai dit qu’un concept ne faisait pas tout. Mais il faut bien quelque chose dans votre personnage. Ayez un concept : un concept multidimensionnel. Grosso modo vous allez devoir penser plusieurs aspects : ce que fait votre personnage en termes de gameplay, en terme d’attitudes et psychologie et son historique. Et pensez toujours qu’ils sont reliés entre eux. J’ai évoqué l'interaction entre le combat et le roleplay dans mon article sur l’art et la manière de botter des culs et celle-ci vaut pour le reste.

  • Le gameplay : c’est sûrement barbare d’utiliser ce terme pour le jeu de rôle puisqu’on est dans quelque chose de bien plus élaboré que juste interagir avec du code mais qu’importe. Il existe différentes mentalités dans le jeu de rôle, notamment celles qui opposent les façons de jouer, la plus connue étant le roll-player contre le role-player. Le roll étant celui qui joue pour lancer des dés, le role voulait faire son interprétation et ne regarde pas sa fiche la plupart du temps. Je trouve que c’est une grossière simplification, comme si on ne pouvait pas puiser dans les deux … Pourquoi je parle de ça ? Parce que justement, votre personnage est ses statistiques. Ce sont elles qui vont vous faire avancer, ou ramer, tout au long de votre périple. Et par conséquent vous allez sans doute agir en fonction d’elles dans vos choix de jeu. Hé bien habitez ces choix !
    Si vous avez un score d’esquive important, parlez-en et dites comment et pourquoi. Peut-être que vous êtes un casse-cou à toutes épreuves. Peut-être que vous êtes un lâche qui a tellement appris à éviter les claques que vous pouvez rattraper une flèche en vol. De la même façon, si l’aléatoire est inclus dans la création, ne le prenez pas comme une punition. Composez avec et laissez-les vous offrir des idées que vous n’auriez pas eues. Bon évidement ça va un peu sentir l’étron si vous êtes un guerrier avec trois en Force et 5 en dextérité, ou un mage crétin comme ses pieds mais vous avez saisi l’idée je pense.
  • L’attitude : C’est peut-être l’aspect le plus technique du lot et c’est celui que j’ai le plus de mal à conceptualiser quand j’écris. Un personnage est en général défini par des traits psychologiques plus ou moins constants mais inscrits quand même. Les gens dans la vraie vie sont hélas un peu moins constants que dans la fiction. Essayez donc d’avoir ces lignes directrices dans le comportement de votre perso. C’est le côté pratique de certains systèmes (Deadlands, pour ne pas encore le nommer) qui offre justement la possibilité de prendre des attitudes en handicap, comme par exemple grincheux, héroïque ou encore sanguinaire. Ou alors fixez-vous des principes moraux, ou immoraux vous-même. Par exemple 99% des itérations de Batman ne tuent pas, vous pouvez faire pareil et dire que par exemple votre personnage fera toujours preuve de pitié et/ou n’abusera jamais des faibles. Ou l’inverse parce que vous avez envie de vous battre avec le premier venu s’il a l’air de proposer un défi intéressant. Ayez des marqueurs auquel vous rattachez pour ne pas, si vous vous retrouvez coincé, ne plus savoir quoi faire pour rester dans le ton.
Lui il a prit le handicap sanguinaire

  • L’historique : A part les dieux grecs et les clones de super héros dans les comics books, je ne crois que qui que ce soit s’est réveillé un matin adulte, armé de pied en cap et formé à faire tout un tas de trucs. Logiquement votre personnage aussi. Ayez une enfance, une adolescence, une famille, un lieu d’origine, des choses qui vous ont marqués. Et cette histoire sera en le terreau des deux parties précédentes, ou l’inverse. On est le fruit de notre environnement et de nos expériences c’est donc logique que ça se traduise sur le personnage en lui-même. Et comme je suis un type sympa, je vais vous donner ma méthode perso rien qu’à moi (enfin Le Lobbyisé la connaît et m’a déjà dit qu’elle était cool mais bon …). Je fais mes historiques en trois piliers.
    Le premier c’est d’où vient le personnage, autrement dit où il est né et dans quelle situation à la fois sociale et personnelle. Par exemple Ink vient des bas-fonds de Kowloon et elle a été élevé dans une mentalité de “rue”. Peau De Haillons mon personnage prévu pour Loup Garou : L’Apocalypse (on vous en parlera plus tard, c’est Le Lobbyisé qui va nous maîtriser ça dans pas longtemps) lui vient d’une tribu qui le rejette pour sa difformité et il a un frère avec qui c’est compliqué. En faisant ça vous vous donnez un ancrage dans l’univers, et c’est super important. Bon nombres de personnages de jeu de rôle souffrent du cliché du murderhobo soit un personnage qui n’est qu’une expression de gameplay et ne se rattache à rien. On n’a pas joué depuis longtemps avec Até en tant que MJ, mais je tiens à raconter cette histoire-là : mon perso, Wyonna Earp, se déclare la fille de Wyatt Earp et quand ce dernier est apparu j’ai plus du tout su où me mettre ni quoi dire. Mon attache à l’univers m’avait dépassé et est devenu un truc à part entière qui m’a amené là où je ne m’y attendais pas du tout.
    Le second c’est ce qui a ensuite réellement façonné dans votre vie et ce que ça a changé ou non dans ce vous avez été. Comme vous même lorsque vous avez écouté votre premier CD de Punk et voulu être antisystème alors que les poils vous poussaient sur le menton et que l’achat d’un Gilette commençait à être envisagé. Pour reprendre toujours Ink, le fait d’être tombé en disgrâce et avoir une fracture généralisée de partout lui a fait arrêter toute envie de drogues, créé chez elle une certaine amertume et une méfiance pour tous ses employeurs. Ou si vous voulez partir dans un cliché bête et méchant, comptez combien de héros ont vu leurs parents mourir, leur terre natale rasée et les dix milles héroïnes violées (faut arrêter ça d’ailleurs, c’est vraiment de la merde. Le dernier bouquin que j’ai lu était vraiment coupable de ça d’ailleurs). Et surtout ne partez pas que dans les malheurs, une bonne chose peut aussi être un motivateur de changement. Vous pouvez avoir gagné au loto ou découvert que vous êtes en fait de sang noble et adopté par le duc local. J’en parle là mais ça vaut pour chacun des trois piliers : votre historique n’a pas à être putain de tragique pour être intéressant !
    Le troisième c’est tout simplement où vous allez. Souvent la directe résultante des deux piliers précédents, selon toute logique vous avez un but si vous arpentez le pays avec votre hache à deux mains et videz les donjons locaux. Pensez à un objectif, un désir, un rêve ou une promesse à accomplir. Non seulement vous aurez un prisme pour considérer vos actions à long terme (“non je ne veux pas détrôner tel seigneur local, comment est-ce que je vous ouvrir mon académie d'escrime après ?”).
Le voilà roi. Dans la première saison il était fermier
Volez : Beaucoup feront les vierges effarouchées mais faut être honnête cinq minutes. On aime tous des trucs, on s’en inspire, on essaye d’en pomper la sève et on le sait. Alors n’ayez pas honte de ce que vous aimez, utilisez-le donc. Le tout est de savoir être intelligent dans ce que l’on prend ou non. C’est certain que si vous faites un personnage qui est le rejeté du village parce qu’en fait il a un démon qui a été scellé dans son corps et qui veut du coup devenir le chef du village pour prouver qu’il a sa place, on va sûrement lever un sourcil sur le fait que ça sonne un tantinet familier. Après si vous êtes habile et comprenez comment marchent les ficelles de la narration, ce n’est pas si dur que ça de décliner un archétype et d’explorer telle facette plutôt que telle autre. Une série qui fait assez bien c’est Vikings produite par History Channel : si vous regardez avec attention beaucoup de personnages se ressemblent et se répondent, le premier exemple qui me vient c’est la paire Ragnar/Rollo comparé à Harald/Halfan, un duo de roi et son frère et de leurs points de convergences et divergences qui les rend assez intéressant à regarder évoluer. Un autre exemple sympa c’est Jess, une joueuse de mon premier groupe de Deadlands qui, lorsqu’elle a fait son perso, m’a explicitement demandé qu’elle voulait faire un perso comme Brienne de Torth de Game of Thrones. Et elle l’a fait. Et très franchement pour qui ne le sait pas, c’est invisible. Dans un autre style je l’ai fait aussi en faisant un mash-up de deux personnages pas franchement importants dans un film.


La combinaison de Clyde l’adjoint manchot, et de Fatty le petit gros qui charge ses revolvers, venus d'Impitoyable de Clint Eastwood, a donné le personnage de Amos Aberckule. Un US Marshall manchot et gras du bide qui se baladait avec un paquet de calibres sur lui. Je n’ai pas joué avec, mais à chaque que je l’ai mentionné et expliqué, personne n’a capté d’où ça pouvait venir. Y’a aucune honte à se servir, si on sait le faire bien.

Insérez vous dans l'univers : J'en suis coupable aussi donc je ne vous jette pas la pierre. Bon nombre de personnages que l'on écrit sont des vagabonds plus ou moins libres et pas connectés pour un sou. Souvent par méconnaissance de l'univers, que ce soit la géopolitique, les coutumes, les factions, les lieux mais on a facilement tendance à faire de l'impersonnel ou du très peu ancré dans le monde. Genre "je suis sur la route pour devenir riche et ne plus jamais mourir de faim", "mes parents sont morts et je veux me venger". Le tout sans mentionner un quelconque lieu ou un nom venu de l'univers. Si c'est relou pour vous, essayez au moins de demander au MJ, que vous ayez des noms, des choses à proposer. Je crois que c'était le mec de Takin20 qui parlait du fait qu'un héros de JDR était un personnage "réactif" parce qu'il se contentait de répondre à ce qu'il se passait sur table. Et je pense franchement que se donner des ancrages personnels à l'univers peut rompre cette mécanique justement en étant plus qu'un récepteur de proposition du MJ. Donc vraiment je vous le dis : plongez vous dans les bouquins vous aussi, connaissez le monde et soyez en un élément vivant.
Toujours par rapport à l'univers, j'y ai songé il y a peu en relisant des vieux personnages que j'avais écris. La religion. Dans un monde tel que celui de Donjons & Dragons, Pathfinder, Hellfrost ou encore Warhammer pour n'en citer que quelques uns, il est prouvé que les dieux existent et influent sur le monde. Autant vous pouvez être le plus convaincu des athéistes dans la vie de tous les jours, c'est vous que ça regarde, autant dans un monde où le prêtre local peut vous faire repousser votre jambe, je trouve ça déjà plus dur à avaler. Ça va sans aucun doute requérir un peu de révisions sur l'univers à nouveau. Mais je pense sincèrement que la foi et la pratique (ou non) d'un personnage peut lui offrir un relief supplémentaire et des bonnes pistes de RP, essayez par exemple de vous trouver une divinité "favorite" que votre personnage invoque pour le protéger pendant la bataille ou quand il tente de forger une épée. Ou bien discutez donc avec le clerc de ses convictions religieuses envers Groetus, ou lamentez vous que L'Empereur Dieu ne laisse que trop longtemps vivre les impurs. Je suis sûr que des choses intéressantes en sortiront.

Pensez à vos copains : J’ai dû le dire plusieurs fois mais si vous jouez dans un groupe vous êtes au sein d’un loisir collectif. Alors prenez les autres en comptes, autant que eux doivent faire gaffe à vous. Parlez de vos persos, vous n’êtes pas obligé de leur expliquer tout votre personnage de A à Z, mais discuter peut offrir des pistes. Après tout ça serait con que tout le monde fasse un barbare parce qu’il ne sait pas que l’autre se dit que si lui n’en fait pas il n’y aura pas de tank, se privant donc de faire un mage qui pourrait être salvateur ensuite. Pareillement, si jamais vous avez une panne d’idées un ami sera sans doute en mesure de vous offrir la possible solution au problème. Le Lobbyisé et moi on échange souvent sur nos concepts et plus d’une fois on s’est soufflé des bonnes pistes qui ont décoincés le schmilblick. Et si jamais vous pensez prendre un personnage dont le postulat peut être sujet à polémiques ou malaise, parlez en éventuellement. On n’est pas tous à l’aise avec les mêmes choses, ma petite amie ne supporte pas le cannibalisme par exemple. Et comme je l’ai déjà dit avant, y’a beaucoup de trop de complaisance vis à vis des viols de personnages féminins dans les backgrounds et ça me met extrêmement mal à l’aise.

Ne soyez pas statiques : Dernier conseil pour la route, promis juré. Rappelez-vous que rien n’est totalement inscrit dans la roche, même votre fiche est annotée au crayon de papier. Même si vous avez un personnage bien caractérisé et identifié, il n’est pas fait d’un seul bloc inamovible de granit, le temps passe et on évolue avec son vécu. Rien n’empêche votre personnage de changer aussi avec le temps. Peut-être que les tueries finiront par le fatiguer. Peut-être qu’il fera la paix avec ses démons intérieurs. Peut-être qu’il réalisera son rêve et prendra sa retraite. De même si vous avez un cas de conscience ou une divergence d’avis avec un autre joueur, sachez être souple sans vous trahir. L’excuse de “c’est comme ça que mon personnage ferait et c’est tout” n’en est pas une. Vous-même, si vous êtes face à un dilemme vous verrez plusieurs façons d’y répondre, et à quelques extrêmes près, ces diverses façons resteront vos décisions et Vous. Bah pour un personnage c’est pareil. Et si vous en arrivez à l’ultimatum ingame, vous avez vraiment raté quelque chose en lisant cet article.

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